Fichiers audio HD : la garantie d’un son meilleur ?

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Mis à jour le 3 août 2021

Les fichiers audio téléchargés sur des sites tels que Qobuz ou HDTracks, dont la résolution peut atteindre 24 bits et 192 kHz sont-ils vraiment de qualité ? On ne va pas vous faire languir plus longtemps et répondre par l’affirmative. Reste qu’il y a un mais. Un gros même. Le fait est que certains de ces morceaux de musique font l’objet d’un mastering qui sans être douteux ne respecte pas les bonnes pratiques que tout audiophile est en droit d’attendre d’un fichier de qualité studio. La faute à une compression dynamique bien trop souvent utilisée, au détriment du réalisme musical.

Les méfaits du clipping

En anglais, le terme clipping désigne le fait de couper quelque chose ou une limite qu’il n’est pas possible de dépasser. En mastering audio, le clipping est le « plafond » qu’il ne faut pas dépasser sous peine de provoquer une distorsion, traduite à l’écoute par des grésillements et des craquements. Pour éviter ces désagréments, les ingénieurs du son utilisent depuis toujours des systèmes de compression dynamique : en pratique les sons trop intenses (pied de batterie, caisse claire, etc.) sont écrêtés, avec pour conséquence – absurde – de placer sur un même niveau d’intensité des sons qui ne devraient pas l’être. Or lorsque tout le monde parle fort et en même temps… on n’y comprend rien.

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L’amplitude du signal audio de SkyFall d’Adèle, dans sa version 24 bits / 96 kHz, terriblement compressé

D’où vient cette pratique du clipping ?

Elle est intimement liée aux limitations de la plage dynamique des supports d’enregistrement, CD-Audio en tête. Mais cette pratique de l’écrêtage et de la normalisation du son n’est pas née avec le CD-Audio : elle existait déjà avec la cassette audio Philips ou le disque vinyle. Ces trois supports n’ont jamais permis d’enregistrer toute l’étendue dynamique d’un son, qu’il s’agisse d’une guitare sèche ou, à fortiori, d’une batterie. Il faut s’imaginer qu’à 1 m de distance d’une batterie, l’intensité sonore peut dépasser les 110 dB. Or la plage dynamique offerte par une cassette audio n’a jamais guère dépassé les 70 dB, idem pour un disque vinyle. Le CD-Audio aurait dû changer la donne, avec sa plage dynamique de 96 dB. Mais…

La trop faible résolution du CD-Audio

96 dB sur le papier, c’était très séduisant. Seulement la quantité de données numérisées chaque seconde par un convertisseur s’est rapidement montrée insuffisante. Trop peu d’échantillons étaient prélevés pour que le son soit suffisamment défini. Très rapidement, les ingénieurs du son ont pris le pli de « pousser » le volume afin de réduire les écarts de niveau entre instruments et donner artificiellement une impression de définition supérieure. Ceci impliquait d’écrêter les sons trop intenses.

Tous les CD-Audio ne sont pas écrêtés, à l'image de l'album chambre avec vue d'Henri Salvador, dont l'orchestration permet une numérisation réaliste
Tous les CD-Audio ne sont pas écrêtés, à l’image de l’album chambre avec vue d’Henri Salvador, dont l’orchestration permet une numérisation réaliste et peu compressée

Un nivellement par le bas

Cette pratique de l’écrêtage n’est pas uniquement liée au support d’enregistrement, mais aussi au matériel de restitution et aux conditions d’écoute. Bon nombre d’auditeurs écoutant de la musique en voiture, avec un baladeur, une mini-chaîne ou une radio, il était nécessaire de calibrer le mixage des albums de musique afin qu’ils soient facilement écoutables en voiture, avec un bruit ambiant de 80 dB.

Pas question de mixer le son d’une guitare sèche à un niveau dix fois moindre que la batterie. Bref, la compression dynamique résulte pour beaucoup – énormément – de nos propres habitudes de consommation de la musique.

Toutefois, n’importe quel amplificateur ou enceinte ne peut restituer l’énergie d’une batterie sans péter un fusible ou se déboîter une bobine. Nos matériels d’écoute sont également responsables de cette pratique de l’écrêtage.

Les fichiers HD vont changer la donne ?

Oui… mais progressivement. D’un point de vue technique, la plage dynamique offerte par un fichier PCM codé sur 24 bits et 192 kHz (la plus haute résolution couramment distribuée par Qobuz ou HDTracks) est supérieure à 120 dB et la quantité d’échantillons prélevés sur le signal analogique original est infiniment plus élevée qu’avec le CD-Audio. Il est donc parfaitement possible de créer des albums musicaux respectant mieux les écarts dynamiques entre instruments et voix, dont la restitution sur un système audio compatible (entendez un ampli solide et des enceintes de qualité).

Bien choisir ses albums

Si le son numérique en haute définition permet un enregistrement plus réaliste de la musique, il faudra être patient pour que cette qualité devienne la norme. Bien des albums de musique distribués en haute définition sont à l’heure actuelle directement dérivés du master CD : c’est le cas des fichiers codés sur 24 bits et 44,1 kHz. Dans ce cas, on écope d’un master compressé et écrêté, qui reste toutefois plus agréable à l’écoute, la résolution supérieure du fichier (24 bits) apportant de l’air au message sonore. Mais ce n’est pas une règle : la réédition des albums des Beatles en audio HD (24 bits / 44,1 kHz) est la preuve que malgré une résolution moyenne, on peut offrir une écoute stupéfiante de réalisme. A contrario, certains albums en très haute définition peuvent se montrer à peine meilleurs que leur version CD. Prenez SkyFall d’Adèle en 24 bits / 96 kHz et vous constaterez que le son est terriblement compressé et foutraque. En revanche, l’excellent album de Prince, Parade, édité en 24 bits et 192 kHz est superbe d’explosivité.

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Il est ainsi important de lire des magazines spécialisés et des critiques d’albums, afin d’éviter les « mauvais enregistrements ». Notez toutefois que certains types de musiques sont moins sujets au phénomène de la compression dynamique, comme le jazz ou la musique classique.

EDIT :

Pour vous aider à bien choisir, vous pouvez consulter l’excellent site dr-loudness-war.info, qui recense la plage dynamique de milliers d’albums (CD, MP3, HD). Les utilisateurs de Foobar2000 peuvent également utiliser le plugin Dynamic Range Meter 1.1.1, afin d’analyser les fichiers qu’ils écoutent.

 

Le plugin Dynamic Range Meter pour Foobar permet d'analyser la qualité du mixage de n'importe quel fichier audio
Le plugin Dynamic Range Meter pour Foobar permet d’analyser la qualité du mixage de n’importe quel fichier audio

Finalement, la valeur sûre, c’est le disque vinyle ?

Oui et non. Les rééditions d’albums pressés à l’ère de l’analogique sont des valeurs sûres, mais attention aux rééditions « remastérisées numériquement », directement issues d’un master CD-Audio. Dans ce cas, le son perd énormément en chaleur et en réalisme. Ce n’est pas une règle, certains disques étant pressés à partir de master numériques HD de très bonne qualité.

En conclusion, l’avenir de la musique est bien aux fichiers HD tels qu’on peut les télécharger depuis des sites tels que Qobuz ou HDtracks, mais il faudra être patient avant que tout le potentiel de cette haute résolution soit pleinement exploité.

Vérifiez donc sur le site DR Loudness War si les fichiers que vous convoitez ont été analysés et si leur marge dynamique est satisfaisante.

 

 

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11 commentaires

  1. Bonsoir,

    Merci pour cet très bon article !
    Une petite question, où vous êtes-vous procuré le single d’Adele Skyfall en 94/24 ?
    Je serai intéressé.

    Merci

  2. Assez bonne analyse dans l’ensemble…..un petit bémol néanmoins sur quel type de matériels de reproduction sonore seront écoutés ces bijoux….quand on voit le nombre de crins crins se prévalant de qualités qu’ils n’ont pas- notamment les transducteurs – on peut se poser quelques questions!

  3.  » … et la quantité d’échantillons prélevés sur le signal analogique original est infiniment plus élevée qu’avec le CD-Audio. »
    En 192 kHz, seulement 4 fois plus d’échantillons que sur un CD (fréquence d’échantillonnage de 44,1 kHz) … « infiniment » pour seulement x4 ?!?

    • Vous avez raison, « infiniment » est excessif. Toutefois, ce n’est pas 4x plus, mais 6,5x plus, le codage s’effectuant sur 24 bits et non 16. On passe de 1,4 millions de bits /sec à 9,2 millions environ pour la résolution 24/192.

  4. Cet article est basé sur une hypothèse totalement erronée, qui est que la plage dynamique du CD serait insuffisante : or rien n’est plus faux… Un CD avec sa résolution de 16 bits est tout à fait capable de restituer un enregistrement mixé et mastérisé de façon « respectueuse » avec une dynamique élevée.

    Comme vous le rappelez, une résolution de 16 bits donne une dynamique théorique de 96dB (donc 90dB en enlevant le bit de signe). C’est tout simplement énorme ! Il faut bien se rendre compte que même dans des bonnes conditions d’écoute on ne peut dans la vie réelle jamais profiter d’une telle étendue dynamique :
    – dans une pièce calme en journée on considère que le bruit de fond est à 40dB absolus (même si on ne s’en rend pas compte)
    – si on règle le volume de telle sorte à percevoir les signaux les plus faibles du CD, cela conduit mettre les signaux les plus forts à 40+90=130dB absolus : on est au-delà du seuil de douleur
    – si on règle le volume de telle sorte que les signaux les plus forts ressortent à 100dB absolus (ce qui est déjà fort), on ne peut profiter « que » de 100-40=60dB de dynamique

    Pour profiter de la totalité de la dynamique permise par un CD, il faut en réalité se placer dans des conditions extrêmes (genre studio phoniquement isolé), ou peut-être écouter avec un très bon casque fermé . Or la musique ne peut pas être édité pour une écoute uniquement dans ces conditions.

    Venons en maintenant aux pratiques de mixage et de mastering : le mastering « moderne » du pop/rock abuse de la compression dynamique, avec des morceaux qui parfois ne dépassent pas 5dB d’étendue, mais même dans les « temps anciens » (jusque dans les années 80) la norme en pop/rock était de l’ordre de 20dB d’étendue dynamique : très loin des capacités théoriques du CD, et ce sont ces enregistrements que tout le monde porte aux nues aujourd’hui. Il suffirait de transférer ces masters sur CD pour avoir un aussi bon rendu que les vinyle d’époque. Même en musique classique je ne crois pas que les masters de qualité dépassent 30dB d’étendue dynamique. Concernant le mixage, vous parlez de « mixer le son d’une guitare sèche à un niveau dix fois moindre que la batterie » : un niveau 10 fois moindre ce n’est que 20dB, et donc là encore on est très en dessous des capacités du CD.

    Bref, le CD avec ses 16 bits est très largement capable de restituer des masters de qualité avec une étendue dynamique élevée. Les fichiers 24bits pour diffuser la musique ne sont que de la poudre aux yeux marketing.

  5. Je vais souvent au concert(jazz ou classique)et j’étais abonné au magasine »diapason ». Je suis au regret de dire que les vinyles de 1957(année du passage à la stéréo)à 1983-84(année du passage au cd)me donnent plus d’émotions que la plupart des cd. La présence,la scène sonore en largeur et en profondeur,la dynamique sont très souvent stupéfiantes. J’ai lu toutes les contraintes qu’impose la numérisation sur cd et de plus la dynamique réelle disponible de 60 dB maximum(rarement exploitée)n’est que peu supérieure à celle du vinyle. Si le cd est aussi bien pourquoi cette pléthore de DAC? De qui se moque-t-on? Il faut signaler que passer de 40 dB à 80 dB voir 85 dB sur une bonne installation domestique est énorme pour des oreilles situées à 3 ou 4m des enceintes. Soyons réalistes et honnêtes.

    • Quand on grave un cd, le cahier des charges est plus contraignant que pour un vinyle, car il faut qu’il puisse être utilisé en nomade sans danger pour les oreilles de l’auditeur ou son niveau d’attention. Il faut s’imaginer le cd lu en voiture ou sur un baladeur. Avec le vinyle, on est sûr qu’il sera écouté dans un environnement stable, donc la dynamique produite pourra être bien plus importante, et le surcroît d’émotions lors de vos écoutes en découle.

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