Neil Young : « Harvest », le coffret 50e anniversaire

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Harvest, l’album le plus populaire de la discographie étendue de Neil Young, fête ses cinquante ans ! Pour l’occasion, le Loner récolte une performance intimiste à la BBC et offre un incroyable film inédit de deux heures sur la création de son chef-d’œuvre bucolique. Harvest, ses bonus audio et le documentaire Harvest Time sont à retrouver dans un imposant coffret 50e anniversaire 2-LPs, 45-tours et 2 DVDs (ou 3-CDs/2-DVDs) disponible depuis le 2 décembre.

Pochette album Harvest : 50th Anniversary
L’album Harvest de Neil Young fête ses 50 ans ! Pour l’occasion découvrez l’édition spéciale 50 ans sur Son-Vidéo.com.

Rust never sleeps. Comme la rouille, Neil Young ne dort jamais : après avoir publié deux nouveaux albums studio en un an – Barn en décembre 2021, puis World Record, produit par Rick Rubin, le mois dernier -, le géant canadien âgé de 77 ans a également gratifié son auditoire de Noise & Flowers, un album live avec les spectaculaires Promise of the Real. Côté rééditions, il a fallu faire de la place sur les étagères pour Toast, un LP « perdu » enregistré en 2001, sans oublier trois albums live enregistrés en 1971 (I’m Happy That Y’all Came Down et Royce Hall) et 1974 (Citizen Kane Jr. Blues), issus de la tentaculaire collections Archives.

Au vu de cette avalanche de parutions, il aurait été impensable d’imaginer 2022 s’achever sans un hommage à Harvest, le zénith commercial de la discographie du Loner. Disponible en éditions augmentées CD ou vinyle, Harvest – 50th Anniversary, propose d’explorer la gestation d’un album incontournable au travers de prises alternatives, d’une performance live intimiste et, surtout, d’un sidérant documentaire incluant de nombreuses séquences inédites.

Are you ready for the country ?

Neil Young est déjà un singer-songwriter renommé à l’aube des années 1970. Sa participation au super-groupe Crosby Stills Nash & Young, qu’il a rejoint en 1969, a servi de tremplin à un début de carrière fracturé, entre la désintégration prématurée du prometteur Buffalo Springfield et deux premiers albums studios largement passés inaperçus auprès du grand public.

Propulsé par le succès démesuré de CSNY, After The Goldrush, son troisième LP paru en 1970, récolte enfin les lauriers du Billboard, à la veille d’une séparation temporaire avec ses partenaires David Crosby, Stephen Stills et Graham Nash au lendemain de la sortie de Déjà Vu, leur premier enregistrement collectif. Désormais propriétaire du spectaculaire ranch Broken Arrow, au nord de la Californie, et fraîchement marié à l’actrice Carrie Snodgress, Young, jeune multi-millionnaire de 25 ans, peut envisager sereinement la suite des événements.

Neil Young
Neil Young est déjà un artiste renommé à l’aube des années 1970 grâce à sa participation au groupe Crosby Stills Nash & Young.

Capturée quelques heures après une apparition télévisée au Johnny Cash Show en février 1971, une séance country-folk à Nashville sous la conduite du producteur Elliot Mazer donne la direction générale de son quatrième album. Enregistrés avec les Stray Gators, une formation locale atypique composée de Tim Drummond (basse), Kenny Butrey (batterie), Ben Keith (pedal steel) et Jack Nitszche (piano) et les renforts amicaux de Linda Ronstadt et James Taylor, « Heart Of Gold » et « Old Man » s’inscrivent idéalement dans les tons boisés de la pochette d’un best-seller américain de l’année 1972. Ils sont pourtant très éloignés des épanchements électriques de « Words » et « Alabama », soutenus par les chœurs de Crosby, Stills & Nash, de l’austère charge anti-drogues unplugged « The Needle And The Damage Done » et des mouvements symphoniques de « There’s A World » et « A Man Needs A Maid ».

Complété à Londres et New York, Harvest est l’album de tous les triomphes avec plus de sept millions d’exemplaires écoulés depuis sa sortie (dont un million en France !) et l’unique single numéro un de la carrière du Loner avec « Heart Of Gold » (« ça aurait dû être ma chanson », soupirera Dylan en 1985). Paradoxalement, ce triomphe occasionne un malentendu persistant : cinquante ans après Harvest, Neil Young est toujours indissociable du cliché du baba folk avec porte-harmonica et veste à franges.

Neil Young chante
Véritable succès, Harvest est l’album de tous les triomphes avec plus de sept millions d’exemplaires écoulés depuis sa sortie.

Shakey Pictures

Jalon incontournable d’une production pléthorique, Harvest est aujourd’hui le premier album de Neil Young passant véritablement par la case Deluxe – En 2021, After The Gold Rush s’était chichement contenté d’ajouter deux prises de « Wonderin’ » pour son 50ème anniversaire. En supplément de l’album original, trois alternative takes issues des séances d’Harvest sont également réunies dans un CD bonus : « Bad Fog of Loneliness », « Journey Through The Past » et « Dance Dance Dance ». Un CD supplémentaire offre le version audio du concert solo filmé par la BBC en février 1971, lors de la première venue de Neil Young en Europe (voir plus loin). Enfin, un somptueux livre relié comprend des photos inédites et des notes détaillées du photographe Joel Bernstein, insider de longue date du clan Neil Young. Bien plus que ces options musicales, la sélection vidéo d’Harvest 50th Anniversary constitue le point fort de cette somme.

Deux DVDs renferment un concert filmé et un documentaire qui bénéficient de leur première sortie officielle. Le premier est un concert solo de trente minutes capté par les caméras de la BBC le 23 février 1971 dans le cadre de l’émission In Concert. Bien connue des fans (et largement diffusée sur la toile), cette première apparition télévisée européenne de Neil Young est une performance 100% unplugged au cours de laquelle le guitariste/pianiste/harmoniciste délivre quelques titres d’After the Gold Rush et dévoile plusieurs extraits du futur Harvest. Seul face à un panel de privilégiés, Young commente chaque chanson avec réserve et humour et interprète de splendides versions cristallines de « Don’t Let It Bring You Down », « Love In Mind » et « Old Man ».

  • Neil Young, en gros plan, le menton dans la main, salon, Ranch Broken Arrow, septembre 1971.
  • Neil Young et sa femme Susan, dans les coulisses de l'Electric Factory, à Philadelphie, en février 1970. Choisi pour le gatefold de son troisième album, "After The Gold Rush", 1970.
  • Neil Young & les Stray Gators, se détendant sur scène entre deux prises dans la grange, ranch Broken Arrow, près de Woodside, CA, sept. 1971.
  • Neil Young
  • Neil Young, en gros plan, le menton dans la main, salon, Ranch Broken Arrow, septembre 1971.

Scènes sidérantes

Harvest Time, le second DVD du coffret, présente un film inédit de deux heures tourné pendant la création d’Harvest, avec des images des séances d’enregistrement dans la fameuse « Harvest Barn » du ranch Broken Arrow, mais aussi à Nashville, à New York et à Londres. Neil Young a découvert les joies de la caméra Super-8 à peu près en même temps que les gâteaux de marijuana frits au miel. Une coïncidence ? Shooté en 1972, Journey Through The Past alterne des scènes de vie en tournée featuring Crosby, Stills & Nash et des allégories cryptiques comprenant des cavaliers encagoulés, Richard Nixon, une casse automobile et une scène de fix d’héroïne qui vaudra au film d’être banni en Grande-Bretagne.

À sa sortie en avril 1973, Journey Through The Past a été discrètement enterré par Warner Bros. et ne sera exhumé que 36 ans plus tard dans le coffret Archives. Réalisé par Bernard Shakey (l’alias cinématographique de Neil Young), Harvest Time compile astucieusement les chutes de Journey Through The Past dédiées à l’enregistrement d’Harvest. En différé de la grange du ranch Broken Arrow, Neil Young et les Stray Gators enchaînent les prises d’ « Alabama », « Words (Between The Lines of Age) » et s’adonnent à des longues improvisations autant débraillées que funky. Plus loin, la caméra suit le propriétaire des lieux en ballade en Jeep au milieu des séquoias, puis s’envole à Londres pour l’enregistrement des cordes de « There’s a World » et « A Man Needs a Maid ».

Le coffret Harvest 50th Anniversary comprend le concert solo de trente minutes capté par les caméras de la BBC le 23 février 1971 dans le cadre de l’émission In Concert.

La douceur rurale laisse place à des moments de tension lorsque Neil Young, flanqué de son manager Elliott Roberts et de Jack Nitszche, découvre la rigidité rythmique du London Symphony Orchestra – marqué par l’expérience, Young attendra plusieurs décennies avant de faire appel à nouveau à un grand orchestre. Cet épisode londonien est encadré par l’apparition de David Crosby, Stephen Stills et Graham Nash, venus graver leur harmonies vocales au studio new-yorkais A&M. Séquences époustouflantes où les quatre voix de CSNY (avec le concours de quelques bières) propulsent « Alabama » et « Words » dans la stratosphère.

Après la Californie, Londres et New York, Harvest Time se prolonge à Nashville pour une ultime séance d’overdubs. Si les premiers enregistrements de février 1971 dans la Mecque de la country-music en compagnie de James Taylor et Linda Rondstadt n’ont malheureusement pas été immortalisés, ce second épisode Nashvillien contient une scène sidérante où Neil Young donne une interview impromptue à un DJ d’à peine douze ans au bagout sidérant.

Neil Young, jouant de sa guitare acoustique D-45 Martin en concert au Royce Hall, UCLA, 30 janvier 1971.
Neil Young donne un concert au Royce Hall le 30 janvier 1971.

Les deux heures passionnantes d’Harvest Time s’achèvent à Broken Arrow en reprenant de larges extraits de Swing In Mit Neil Young, une émission spéciale diffusée par la télévision hollandaise en 1972. Dans celle-ci, le Loner, passablement stoned, interprète « Out On the Weekend » au banjo et son méga-hit « Heart of Gold » entre deux entretiens. Un autre document fascinant, toutefois entaché par un point noir : l’absence de tout sous-titre, réservant de fait les échanges d’Harvest Time aux anglicistes confirmés, option accent sudiste.

Cette édition spéciale Harvest 50th Anniversary comprend trois disques vinyles ainsi que deux DVD.

Malgré cette réserve, la pièce maîtresse du coffret Harvest 50th Anniversary conclut en apothéose une année fastueuse pour les amateurs de Neil Young. Et 2023 ne devrait pas les décevoir avec la récente annonce des parutions prochaines, entre autres, d’un concert de la tournée Mirrorball avec Pearl Jam et du très attendu troisième volet du monumental projet Archives, consacré aux années 1976-1980. Neil Young never sleeps.

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