Les cartes postales sonores sont des objets qui combinent l’image et la musique sur un même support. Elles se présentent comme des cartes postales ordinaires, mais intègrent un disque miniature jouable sur une platine, permettant d’écouter un enregistrement musical ou vocal. Ce format singulier a connu plusieurs périodes d’existence, depuis les premières expérimentations du début du XXe siècle jusqu’à un regain d’intérêt au XXIe siècle.

Des cartes postales musicales
Les premières cartes postales sonores apparaissent dans les toutes premières décennies du XXe siècle. Leur invention coïncide avec la popularité croissante des disques 78 tours en shellac et l’essor de la carte postale illustrée. Le principe est simple : intégrer un petit disque en matière rigide sur une carte postale, de manière à pouvoir envoyer non seulement un message écrit et une image, mais aussi un enregistrement sonore. On retrouve ces cartes dans plusieurs pays à la même époque, sous différentes appellations. Aux États-Unis, elles sont connues sous le nom de « Talking Postcard » tandis qu’en Italie, on parle de « Postale Parlante ». Leur apparition est portée par la fascination pour les technologies émergentes du son enregistré et par l’envie de partager cette nouveauté.
🗒️ Note de l’expert
Le shellac est une résine naturelle utilisée pour les premiers disques. Rigide, mais fragile et sensible à l’humidité, il a été abandonné au profit du vinyle, plus résistant, plus souple et offrant une meilleure qualité sonore.
Le rôle historique de ces premières cartes postales musicales est essentiellement récréatif. Elles permettent à un expéditeur de faire parvenir à un proche une carte accompagnée d’une voix ou d’une chanson, transformant la correspondance en une expérience multisensorielle. Dans certains cas, elles servent aussi d’objets promotionnels, contenant un message publicitaire ou un extrait musical destiné à marquer l’esprit du destinataire.
Tout comme les disques 78 tours, ces cartes sont fabriquées à partir de matériaux rigides comme le shellac. Le disque est soit collé sur la carte, soit directement pressé sur un carton renforcé. Les enregistrements sont courts, limités par la surface disponible, et se jouent généralement à 78 tours par minute. Leur fragilité et leur durée de vie réduite n’empêchent pas leur adoption par un public curieux. Elles suscitent un intérêt international, avec des versions produites en Europe et en Amérique, souvent vendues dans les lieux touristiques ou lors d’expositions.
Évolution des techniques de fabrication
Au fil des décennies, les techniques utilisées pour produire des cartes postales sonores ont évolué, passant des matériaux cassants à des supports plus souples et résistants. En effet, l’apparition de plastiques flexibles dans la seconde moitié du XXe siècle permet de créer des cartes plus légères et moins fragiles. Le disque n’est plus seulement un insert collé, mais peut être pressé directement sur une fine pellicule plastique fixée sur la carte. Cette évolution élargit les possibilités esthétiques et réduit les coûts de production.
Aujourd’hui, les fabricants utilisent des matières modernes comme le polycarbonate ou le PVC fin, offrant une meilleure qualité sonore malgré la surface réduite. L’impression haute définition permet d’associer un visuel attrayant à un sillon audio précis. Certains procédés sont conçus pour être plus écologiques que le pressage traditionnel, en réduisant l’énergie consommée et en éliminant les substances toxiques. Ces innovations permettent de produire des cartes jouables sur une platine standard tout en offrant une expérience visuelle soignée.

Le succès des cartes postales vinyle
Après la Seconde Guerre mondiale, les cartes postales vinyle connaissent un véritable âge d’or. Les avancées dans les matériaux et le contexte socioculturel favorisent leur diffusion à grande échelle. Dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, elles deviennent un moyen d’accéder à des musiques parfois difficiles à obtenir autrement. En Pologne, par exemple, les « pocztówki dźwiękowe » contiennent des enregistrements de chansons populaires, souvent issues de la scène rock ou pop occidentale, qui circulent malgré les restrictions officielles. Ces cartes deviennent alors un moyen de pirater la musique.
Dans les pays occidentaux, le format est utilisé principalement à des fins ludiques ou promotionnelles. On le retrouve en encart dans des magazines, offert par des marques telles que Disney ou vendu comme souvenir touristique. Les cartes peuvent contenir un extrait de chanson, un message enregistré ou même une publicité chantée. Les visuels sont variés, allant de photographies de vedettes à des paysages touristiques, et renforcent l’attrait de l’objet. La durée de lecture est limitée à quelques minutes, mais suffisante pour un morceau complet.
Les techniques de fabrication de l’époque exploitent le vinyle souple, pressé ou gravé sur la surface de la carte. Les vitesses de lecture évoluent vers le 33 ou le 45 tours par minute, permettant une meilleure restitution sonore et une durée légèrement supérieure. Ce format devient familier dans la culture populaire, présent aussi bien dans la musique grand public que dans des usages plus confidentiels. Sa polyvalence et son coût modéré contribuent à son succès.

La fin de la mode au début des années 80
À partir des années 1980, l’essor de nouvelles technologies sonores marque le déclin des cartes postales vinyle. L’apparition et la généralisation de la cassette audio, puis du disque compact, offrent des supports plus pratiques, de meilleure qualité et d’une durée bien supérieure. Le caractère innovant du format carte-disque s’estompe face à ces nouvelles possibilités. Les éditeurs et producteurs se tournent vers des méthodes de diffusion plus modernes, laissant les cartes sonores à un rôle marginal.
Dans les pays d’Europe de l’Est, la libéralisation des marchés après la chute du rideau de fer permet un accès direct aux supports occidentaux, ce qui réduit l’intérêt des cartes pirates. En Occident, le marketing musical se réoriente vers d’autres formats physiques ou vers les médias audiovisuels. Peu à peu, la carte postale vinyle disparaît des circuits commerciaux pour devenir un objet recherché par les collectionneurs.

La carte postale vinyle fait son retour au XXIe siècle
Le renouveau du vinyle observé au XXIe siècle entraîne une redécouverte des formats originaux. Des passionnés et des entrepreneurs réinvestissent l’idée de la carte postale vinyle en y intégrant des techniques de fabrication modernes. Plusieurs entreprises, telles que la société autrichienne Vinylpostcards, relancent ce support en misant sur un pressage innovant et une impression soignée. Les cartes sont produites en petites séries, avec un soin particulier apporté à la qualité audio et à la durabilité. Certaines intègrent même des éléments numériques, comme des contenus en réalité augmentée accessibles via une application.
En parallèle, des services d’abonnement voient le jour, notamment aux États-Unis avec le Vinyl Postcard Record Club. Chaque mois, les abonnés reçoivent une carte postale vinyle illustrée contenant un morceau exclusif d’un artiste indépendant. L’objet conserve sa fonction postale et s’accompagne souvent d’un mot de l’artiste ou d’un code de téléchargement. Ce type de service mise sur la découverte musicale et sur l’attachement à un objet tangible à l’heure où la musique est majoritairement dématérialisée.
Les maisons de disques et les artistes adoptent également ce format pour des éditions spéciales ou des produits dérivés. Elles sont désormais utilisées pour promouvoir de nouveaux talents. Ce retour est soutenu par l’intérêt croissant du public pour les supports physiques originaux et par la possibilité de combiner un aspect visuel travaillé avec une expérience d’écoute unique.

Les cartes postales vinyle ont connu un parcours singulier, depuis leur invention au début du XXe siècle jusqu’à leur résurgence aujourd’hui. Elles ont traversé des usages variés, du souvenir touristique à la diffusion clandestine de musique, en passant par le marketing musical. Si elles ont disparu avec l’arrivée de supports plus modernes, leur retour actuel s’inscrit dans un mouvement de redécouverte des objets physiques et d’expérimentation artistique. Ce format, qui associe image et son sur un support postal, conserve aujourd’hui un charme particulier et témoigne d’un lien persistant entre mémoire matérielle et culture musicale.











