Dans ce nouvel épisode du Rewind, l’incontournable chronique vidéo d’Olivier Cachin, c’est une figure centrale du hip-hop français qui est à l’honneur : Cut Killer. DJ mythique, faiseur de mixtapes devenues légendaires et témoin privilégié de plus de trente ans de culture urbaine, il vient partager ses souvenirs, ses influences et sa vision d’une musique qui a façonné plusieurs générations. Entre anecdotes, rééditions et réflexions, cet échange met en lumière un parcours hors du commun et illustre à quel point Cut Killer reste une référence dans le paysage rap hexagonal et international.
Cinq albums fondateurs de Cut Killer
L’entretien orchestré par Olivier Cachin suit un fil conducteur original : cinq albums emblématiques sélectionnés par Cut Killer pour leur rôle déterminant dans son itinéraire musical. La conversation débute avec Paid in Full d’Eric B. & Rakim, souvent considéré comme l’un des disques fondateurs du rap moderne. Elle se poursuit avec Ready to Die de Notorious B.I.G., récit brut et réaliste de la vie new-yorkaise des années 1990. Troisième étape, Illmatic de Nas, unanimement salué comme un chef-d’œuvre intemporel. L’émission bascule ensuite vers la scène française avec Détournement de son de Fab, album qu’il a lui-même produit et qui incarne pour lui l’esprit des années mixtape.
Enfin, point d’orgue de cette sélection, L’École du micro d’argent d’IAM, sommet de la discographie rap francophone. À travers ces choix, Cut Killer évoque autant ses émotions personnelles que le rôle de ces œuvres dans l’évolution d’un mouvement qui s’est affirmé au fil des décennies. L’entretien n’élude pas non plus l’actualité : réédition de ses propres mixtapes en vinyle, publication de son livre Mixtape 2.0 – 30 ans de culture hip-hop, et un regard sans nostalgie mais lucide sur la transformation de la scène rap.
Qui est Cut Killer ? Un pionnier des mixtapes et des platines
De son vrai nom Anouar Hajoui, Cut Killer est né le 6 mai 1971 à Chelles, en région parisienne. Dès la fin des années 1980, il est happé par la vague hip-hop qui traverse la France à travers Radio Nova ou les performances de Dee Nasty au Globo. À dix-sept ans, il réalise sa première soirée, et en 1989 il participe déjà au championnat DMC France où il se classe quatrième. Ces premiers pas annoncent une carrière marquée par la technique et l’instinct. Rapidement, il devient le DJ de plusieurs MCs, se produit dans les concerts de MC Solaar, signe des scratches pour Akhenaton, et surtout développe un goût pour l’expérimentation qui va l’amener à importer en France un concept alors essentiellement new-yorkais : la mixtape. Ses cassettes mêlant nouveautés américaines, freestyles français et inédits vont marquer toute une génération et ouvrir la voie à de nombreux artistes. Dans les années 1990, ses Hip Hop Soul Party connaissent un succès retentissant, décrochent disques d’or et de platine, et l’imposent comme un passeur incontournable entre le rap US et la scène hexagonale.
Mais Cut Killer ne s’est pas contenté de la sphère musicale. On se souvient de son apparition dans le film La Haine (1995), casque vissé sur la tête dans une séquence devenue iconique, ou encore de ses participations à diverses bandes originales de films et de séries. Animateur radio, il a animé sur Skyrock son propre show, fédérant les amateurs de hip-hop autour d’un rendez-vous incontournable. Sa carrière s’étend également à l’international : membre des Big Dawg Pitbulls de Funkmaster Flex et des Shadyville DJ’s de 50 Cent, il a su tisser des liens avec les géants de la scène américaine tout en demeurant profondément ancré dans l’histoire du rap français. Avec plus de vingt albums mixés, une discographie riche en compilations et en collaborations, Cut Killer fait figure de pionnier qui a su faire évoluer son art sans perdre son identité. Son livre Mixtape 2.0, publié chez Flammarion, témoigne de cette mémoire vivante : objets, lieux, cassettes, photos, anecdotes, tout y est rassemblé pour restituer trente ans de passion et d’engagement dans la culture hip-hop.
Ce numéro du Rewind consacré à Cut Killer dépasse le simple cadre d’une interview. En revisitant ses cinq albums de référence et en évoquant ses propres projets, il offre une véritable plongée dans l’histoire du hip-hop, à la fois personnelle et collective. Olivier Cachin, fin connaisseur du mouvement, guide la conversation avec pertinence, laissant à son invité la liberté d’illustrer ses propos par des souvenirs concrets, des impressions de scènes et des confidences sur la production musicale. L’émission rappelle combien le rôle des DJ, souvent dans l’ombre des rappeurs, a été central dans la construction d’une identité sonore et culturelle. Avec la réédition de ses mixtapes et la parution de Mixtape 2.0, Cut Killer ne se contente pas de regarder en arrière : il transmet aux nouvelles générations un héritage essentiel, celui d’une musique qui a su franchir les frontières, rassembler et se renouveler. Un épisode à voir, à écouter et à relire comme un jalon de mémoire et de passion, qui confirme que le hip-hop reste, trente ans après, une force vive et universelle.
