Interview de Didier Lozahic, mixeur son de Valérian et la Cité des mille Planètes

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Mis à jour le 12 novembre 2020.

Didier Lozahic

Didier Lozahic est ingénieur du son et mixeur pour le cinéma. Avec plus de 60 films à son actif, notamment Valérian et la Cité des mille planètes et de nombreux longs-métrages de Luc Besson, Didier Lozahic est un expert du son surround. Il a accepté de nous parler du son immersif.

Le son et vous, c’est une longue histoire ?

Je suis Ingénieur du son depuis 40 ans, j’ai commencé ma carrière au studio Aquarium en 1977 où j’étais l’assistant de Dominique Blanc Francard. J’ai exercé ce métier pendant 25 ans en travaillant avec de nombreux artistes : Véronique Sanson, Catherine Lara, Maxime Le Forestier, Michel Polnareff, Alain Souchon, Laurent Voulzy, Patrick Bruel, Alizée, Marc Lavoine et bien d’autres. Au cours de l’année 1978, j’ai rencontré Eric Serra à qui j’ai proposé de venir faire quelques guitares dans un album de Pierre Jolivet, qui était ami avec un jeune garçon passionné de cinéma, qui n’était autre que Luc Besson. C’est comme ça que tout a commencé.

Comment êtes-vous devenu mixeur pour le cinéma ?

J’ai eu une longue carrière dans l’industrie musicale et, au milieu des années 1990, Eric m’a demandé de bien vouloir mixer le CD du film Léon et c’est à ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à la musique de film et notamment au mixage en 5.1. J’ai enchaîné plusieurs projets à la suite de cette aventure et notamment les mixages 5.1 de la musique du film Goldeneye. Quelques mois plus tard Luc et Eric m’ont convié à mixer la musique du Cinquième Élément à Los Angeles, ce qui a marqué le vrai début de ma carrière dans le cinéma et surtout l’envie de mixer des films. Quelques années plus tard, Luc m’a donné l’opportunité d’exercer ce métier.

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Le 5e Élément de Luc Besson, dont la musique a été mixée par Didier Lozahic.

Quel a été l’impact des nouveaux formats audio immersifs, notamment le Dolby Atmos, sur votre travail ?

Depuis longtemps, j’avais envie d’expérimenter ce format, mais il était très difficile de trouver des producteurs ayant envie de franchir cette étape, malgré l’intérêt de cette technologie.

Encore une fois Luc a été le précurseur sur le film Lucy et m’a laissé carte blanche sur le mix Atmos, à partir du moment où je respectais les choix artistiques définis lors du mixage 7.1.

Ces nouveaux formats immersifs Atmos et DTS:X vous permettent de mieux exprimer votre créativité ?

Le fait d’expérimenter ce format était pour moi une aventure sensationnelle ouvrant une troisième dimension, avec la gestion des enceintes au plafond et la possibilité de déplacer des sources (objets) dans toute la salle avec une fluidité rendue possible grâce au nombre de haut parleurs disponibles dans l’environnement de mixage. Lucy était une belle expérience compte tenu d’un certain nombre de séquences ou le travail de spatialisation se prêtait vraiment au projet. L’utilisation de l’Atmos n’est pas ostentatoire, mais au service du film et de l’image et ce n’est pas non plus une démo Dolby avec des sources qui vont dans tous les sens et qui, à mon sens, sont souvent plus dérangeantes et desservent parfois le film.

Il est toujours difficile d’imposer de nouveaux formats sonores, notamment dans le cinéma, mais petit à petit on y parvient. Les gens ne sont pas capables d’analyser le fait qu’un film soit mixé en immersif ou pas, mais ils sont sensibles à la différence. Il y a de plus en plus de salles Atmos en France et aujourd’hui DTS:X prend le relai en se montrant très agressif sur le plan marketing et commercial tant au niveau des salles que des studios de mixages.

Qu’apporte concrètement le Dolby Atmos sur Valerian dans une salle compatible ?

Je pense qu’une aventure en son immersif dans une salle bien réglée et un film bien mixé dans ces standards sont un véritable plus dans le domaine cinématographique. Cela vaut à mon sens pour tous les types de films, que ce soit un blockbuster ou un film plus intimiste, où l’on peut avoir un travail formidable sur les ambiances, qui ne sautera pas à la figure du spectateur mais le baignera dans un univers des plus réel.

Cette expérience est-elle comparable avec du matériel home-cinéma Dolby Atmos ?

J’ai eu l’occasion de faire des versions Home Atmos de différents projets et surtout de les écouter sur quelques systèmes compatibles. De toute façon, c’est toujours un plus, mais dépendant aussi du type d’installation, tout le monde n’ayant pas toujours les moyens et l’espace pour réaliser ces installations. J’ai toutefois été surpris de la qualité de certaines enceintes « surround » avec des directivités multiples, afin de reproduire la sensation des enceintes disposées normalement au plafond.

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Le DTS:X et l’Auro 3D sont des formats concurrents du Dolby Atmos : travaillez-vous également dans ces formats et en quoi sont-ils différents ?

DTS:X est arrivé sur le marché avec des spécifications et des outils compatibles avec le Dolby Atmos et il est très facile aujourd’hui de mixer un film en DTS:X, à partir d’un projet Atmos et le résultat est remarquable. Concernant Auro 3D, le système fonctionne très bien et Lucy était également mixé dans ce format. Encore une fois bien que le système de monitoring soit différent, il s’agit globalement de deux systèmes 5.1 superposés et les outils fournis par Auro 3D permettent également d’arriver à des résultats assez bluffants. Par contre contrairement au Dolby Atmos, il y a pour le moment assez peu de salles équipées en France.

J’ai assisté également à une démo d’un nouveau système, le L-ISA en 23.1, développé par la société L Acoustic, bien connue pour ses systèmes de sonorisation dans le domaine du live. Ces gens s’intéressent de très près au son immersif pour la scène et le home cinéma d’exception, c’est assez impressionnant.

La piste Dolby Atmos du futur disque Blu-ray de Valérian et la Cité des mille Planètes, que vous avez mixée, sera identique à la version cinéma ?

La piste Atmos du Blu-Ray de Valérian sera la même que la version cinéma et conservera entre autre la même dynamique.

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De quel mixage cinéma êtes-vous le plus fier ?

J’ai fais pas mal de films et à chaque fois que je réécoute un de mes projets, je ne peux m’empêcher de penser que si j’avais eu plus de temps, ou plus de talent, j’aurais pu gérer tel ou telle chose différemment. Je dois avouer que je suis un éternel insatisfait, pour moi chaque film est une aventure différente et à chaque début de projet, une remise en question totale. J’ai eu la chance de faire un certain nombre de projets réalisés ou produits par Luc Besson et il y a dans ces différents films quelques bandes son satisfaisantes. Mais il ne faut pas oublier que je ne suis que le mixeur. Un film est un travail d’équipe et il y a une équipe de monteurs son, bruiteurs et autres musiciens, qui nous fournissent les éléments indispensables pour tirer la quintessence de notre métier.

Sur quels projets vous travaillez actuellement ?

MV5BMTUyNjUzMjk1M15BMl5BanBnXkFtZTgwMDM4ODE1MDI@._V1_SY1000_CR0,0,676,1000_AL_Je viens de terminer le film Renegades mixé en Dolby Atmos et DTS:X (NDLR : co-écrit par Luc Besson, sortie le 6 septembre 2017). Il se passe beaucoup de choses différentes dans ce film et la bande son est intéressante, aussi bien en ce qui concerne le sound design que la musique. Ce film est mixé en immersif dès le début et ce n’est pas un upmix comme on peut le voir dans bien des cas. Le résultat est époustouflant.

Pouvez-vous évoquer votre matériel home-cinéma personnel (audio et vidéo) ?

Les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés, pour ma part je dispose d’un ampli audio-vidéo avec un scaler assez pratique, qui permet de gérer également les consoles de jeux de mes enfants, ainsi qu’un petit système 5.1, composé de 5 satellites et d’un caisson de basses qui gère aussi le bass management. J’avoue que j’aimerais bien disposer d’un home Atmos, mais je n’ai pas encore eu le temps de me pencher sur la question.

Quelle est votre référence cinématographique en matière de mixage audio ?

C’est difficile d’avoir une référence, je suis parfois assez bluffé par des films comme Fast and Furious 8 où je trouve notamment la gestion de la musique et des effets remarquables. The Dark Knight m’a également laissé un bon souvenir, et il y en a beaucoup d’autres. Mais je garde quand même une petite préférence pour Le Cinquième Élément.

Le son immersif au cinéma
L’avènement des technologies Dolby Atmos, DTS:X ou Auro 3D dans les salles de cinéma ajoute au traditionnel son surround une dimension verticale qui transforme l’expérience auditive de manière saisissante.

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