Le Rewind : Jacques Dutronc

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Mis à jour le 23 mai 2023

Un Rewind made in France, ou plutôt « Merde In France » puisque l’on va ici parler d’une légende de la chanson française, notre Dean Martin jambon beurre, le plus grand des crooners, mister Dutronc Jacques, avec des bouts de Thomas dedans. Et on commence avec l’album de tous les succès, le premier.

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Jacques Dutronc (1966)

Rewind 1 donc, Jacques Dutronc sort en 1966. Album éponyme, comme le seront six de ses sept premiers LPs, l’exception étant 1972, qui contenait notamment « Le Petit Jardin ». Que trouve-t-on sur ce premier opus longue durée ? Un rassemblement de tous les EPs 4 titres sortis au fil des mois. Une anomalie que cet artiste émergent qui a gagné un concours… de circonstances. En effet, secrétaire de Jacques Wolfsohn, éditeur chez Vogue, Dutronc était aussi le guitariste dans un petit groupe de rock, mais va se retrouver chanteur par accident. C’était déjà par accident qu’il avait appris la guitare à la suite d’une maladie qui le cloua au lit pendant des mois, une convalescence mise à profit par l’apprentissage de la six cordes.

Les paroles de tous ces morceaux devenus des standards, on les doit à un autre acteur improbable de la saga Dutronc, le troisième Jacques de l’histoire, Lanzmann, alors romancier à succès et rédacteur de Lui, « le magazine de l’homme moderne » et des filles peu frileuses. Le premier triomphe de ce triumvirat des Jacques sera donc « Et Moi, Et Moi, Et Moi ».

Jacques (Dutronc, on précise) : « On ne trouvait que des tocards pour la chanter, alors finalement, on m’a dit ‘Vas-y toi, fais-le, tu as des fringues de comptable, ça colle parfaitement à la chanson.’ Alors, je l’ai chantée, complètement décontracté, comme si on m’avait demandé d’aller poncer une table ». Selon la légende, c’est l’impolitesse du chanteur Antoine, qui n’aurait pas salué les deux Jacques (Dutronc et Wolfsohn) alors qu’ils se croisaient dans l’escalier des locaux du label Vogue, qui déclencha le processus d’écriture du morceau, sorte de pastiche de la « chanson engagée ».

Olivier Cachin & Éric Jean-Jean dévoilent les secrets de création de l’oeuvre de l’un des derniers géants de la chanson française et proposent de découvrir, à l’aide de nombreuses anecdotes, l’histoire des chansons de Jacques Dutronc, comme autant de repères qui jalonnent la vie de l’artiste.

C’est cette même année 1966 que Dutronc va rencontrer celui qui sera son clavier pendant deux ans, un certain Alain Le Govic, qui deviendra plus tard chanteur sous le nom d’Alain Chamfort. Alain se souvient de sa rencontre avec la nouvelle star : « C’était aux Canaries, un bar face au 54 rue d’Hauteville où se trouvaient les studios et la maison de disque Vogue. J’avais un contrat avec un groupe qui s’appelait les Mods. Jacques était l’assistant de Wolfsohn. On se voyait au bar, c’était une espèce de lieu de rencontre des gens qui travaillaient chez Vogue. On a sympathisé, il était rigolo, il faisait rire tout le monde. Il a toujours été un peu décalé avec ses costumes trois pièces, mais avec dans la tête une espèce de punk. On ne savait même pas qu’il avait enregistré, on le voyait comme assistant de Wolfsohn. Nos disques sont sortis. Lui, il a tout de suite accroché. Entre “Et moi, et moi, et moi” et notre pauvre chanson, il n’y avait pas photo. Notre disque a été un bide immédiatement ».

Jacques Dutronc interprète "Et moi, et moi, et moi"
« Et moi, et moi, et moi » est extraite du premier EP de Dutronc, qui a été inclus dans son album éponyme « Jacques Dutronc » de 1966, publié chez Vogue. Cette chanson est l’un des plus grands succès de la carrière de Dutronc et est devenue un classique de la musique française.

Chamfort va donc migrer chez Jacques : « Il était très demandé, car son titre est passé tout de suite en radio, les émissions de télé le demandaient pendant les vacances 66. Le groupe de copains qui avait enregistré “Et moi, et moi, et moi” avait été réquisitionné sur une tournée et n’était pas disponible pour suivre Jacques. Il nous a demandé si on était disponible pour faire ses premières promos avec lui ».

Autre morceau de choix de ce premier album : « Les Playboys ». Alain Chamfort est aux claviers sur ce titre magique, et se rappelle l’enregistrement artisanal de l’époque :

C’était enregistré sur 4 pistes, on reprenait quand ça n’allait pas. Mais il y avait peu de playback. Wolfsohn était l’ingénieur du son dans la cabine, il hurlait sur tout le monde, il était complètement dingue. J’étais à l’orgue et au piano, Hadi Kalafate à la basse, Michel Pelay à la batterie. On découvrait les chansons où il y avait trois bouts d’accords, Jacques improvisait, il ne savait pas trop ce qu’il allait faire en arrivant. Chacun essayait d’apporter sa contribution, de trouver son placement, il n’y avait pas de chef d’orchestre, c’était vraiment de la production de groupe, les choses naissaient comme ça en studio, on avait la structure, quand un mec se plantait, on recommençait. On enchaînait, on allait vite.

C’est à Chamfort que l’on doit les notes de piano précédant le « Encore » et le break de batterie. « C’était un gimmick de Count Basie, employé à plusieurs reprises dans ses orchestrations. Jacques voulait ça à la fin des “Playboys”. C’est complètement improvisé, pas calculé. Ça devient des moments qui restent, qui marquent l’histoire de la chanson ». Fun fact : le « Encore ! » de relance et le piano en fin de morceau illustrera pendant quelques décennies la fameuse émission radio de RTL « Stop ou Encore ».

Couverture album Les PlayBoys - Sur une nappe de restaurant. On nous cache tout, on nous dit rien. La fille du Père Noël.
« Les Playboys » parle de la vie frivole des « playboys » et de leur quête constante de plaisirs superficiels. Le morceau est caractérisé par un son de guitare électrique distinctif et un refrain entraînant.

Autre classique du 33 tours, « Les Cactus ». Sombre héros en poncho sur la couv’ exotique du single, Jacques arbore une guitare acoustique pour illustrer ce rock électrique dont l’impact sera présidentiel : En 1967, les élections législatives n’ont pas donné aux Gaullistes les résultats qu’ils espéraient. Du coup, le gouvernement du Premier Ministre Georges Pompidou se livre à des joutes politiciennes façon Game Of Thrones. Ce qui amènera Pompidou, lors de son discours à l’Assemblée Nationale le 22 avril, à citer le hit dutronnesque avec cette splendide formule : « J’ai appris que dans la vie gouvernementale, il y a aussi des cactus ».

Doté d’un sens de l’humour certain, Pompidou invite Dutronc à Matignon le temps d’une soirée durant laquelle le chanteur va bien sûr interpréter « Les Cactus ». Jacques en profite pour semer la confusion en accélérant le tempo du morceau, jusqu’à le rendre méconnaissable. Brigitte Bardot, également présente, supplie Françoise Hardy de demander à son mari de ralentir. Peine perdue : « Je suis le cactus de Pompidou », déclarera le chanteur.

Couverture album Les Cactus. Jacques Dutronc. L'opération. L'espace d'une fille. La compapadé.
En 1967, la chanson « Les Cactus » de Jacques Dutronc a eu un impact important sur la scène politique française, comme en témoigne la citation du Premier Ministre Georges Pompidou lors d’un discours à l’Assemblée Nationale.

Le reste de l’album ? Des tubes, des tubes, des tubes. Dont « On nous cache tout, on nous dit rien », chanson fun où il est question de théorie du complot, mais traité avec l’habituel décalage sarcastique du chanteur. On passe du Roi Dagobert à l’affaire de l’homme au masque de fer, du nombril d’Adam à la ciguë de Socrate, avec en guise de conclusion, un délicieux, et très irrévérencieux pied de nez : « Colin Maillard et Tartempion, ce sont les Rois de l’information ». On aurait pu ajouter à la liste « Mini, Mini, Mini » ou « La Fille Du Père Noël » tant tout ce premier essai est un coup de maitre. La suite ne sera pas mal non plus…

Jacques Dutronc (1975)

Rewind 2, et c’est… Jacques Dutronc, sixième du nom et septième album après 1972, paru trois ans plus tôt. Un album important à plus d’un titre, qui marque l’accélération d’une collaboration qui donnera naissance à l’album Guerre Et Pets, celle avec Serge Gainsbourg. En effet, Serge a déjà signé « Elle Est Si… » en 1972, mais ici ce sont trois morceaux qui portent le sceau Gainsbarre : « L’Île Enchanteresse », « Les Roses Fanées » et « Le Bras Mécanique ». C’est Françoise Hardy qui a présenté Serge à celui qui n’est pas encore son époux (Jacques et Françoise se marieront en 1981), et les deux artistes se sont trouvé des points communs, l’un d’eux étant l’alcool, qui jouera un rôle de premier plan dans l’enregistrement de « Merde In France » en 1984.

Album couverture Jacques Dutronc Merde In France
Merde In France marque le début de la collaboration fructueuse entre Jacques Dutronc et Serge Gainsbourg, qui signe trois morceaux de l’album.

Jane Birkin qui susurre « gigolo, gigolo » tandis que Jacques croone sur un instrumental au piano ? C’est ce qu’on entend dans « Les Roses Fanées », un morceau écrit et composé par Gainsbourg. Sorti en 1975 et placé en face B du single « L’île enchanteresse », cette création gainsbourienne est un rôle de composition pour Jacques, qui y incarne un escort boy pratiquant les relations tarifées avec des dames d’un certain âge, ou plutôt d’un âge certain.

Le thème du gigolo n’est pas nouveau pour Gainsbourg. Outre le fait qu’il a déjà utilisé le mot dans sa chanson « L’Hippopodame » en 1973 (« C’est pas une mince affaire c’t’hippopodame/ Avec un D comme dans gigolo »), il en a fait le thème d’un morceau composé pour Régine : on note douze occurrences du mot dans le très anecdotique « Qu’il est rigolo mon gigolo », le genre de compo que Serge semble être capable d’écrire en quelques minutes, avec ici une rime unique, gigolo/rigolo. C’est Jean-Pierre Cassel qui devait être l’interprète du titre, mais Dutronc lui grillera la politesse. Jacques reprendra « Les Roses Fanées » sur scène en duo avec Joaquina Belaunde lors de sa résidence d’un mois au Casino de Paris en 1992, un an après la disparition de Gainsbourg, qui s’est barré le 2 mars 1991.

Album gentleman cambrioleur. Jacques Dutronc. Indicatif du feuilleton télévisé. Arsene Lupin (2e série)

Autre titre fort (et trop méconnu) de cet album, « La France Défigurée » un plaidoyer écologique signé Lanzmann, écrit quelques années après « Le Petit Jardin », comme une version nationale après la locale d’un désespoir face à la décrépitude environnementale. Sortie en face B du single comique « Le Dragueur Des Supermarchés », ce titre poignant énumère quelques-unes de vicissitudes de l’ère industrielle : « Ma France bétonnée aux tours inhumaines/ Ma France des déversoirs et des océans noirs », croone Jacques sur un fond orchestral et lacrymal. Aimable, accompagné de son légendaire orchestre, offrira une version accordéon de « La France Défigurée ».

Le hit de l’album, c’est bien sûr « Gentleman Cambrioleur », thème de la seconde saison du feuilleton Arsène Lupin dans lequel le gangster d’amour était incarné par Georges Descrières. Morceau d’une élégance qui colle à son interprète comme une sangsue à un G.I. dans les rizières du Vietnam, ce hit inoubliable a évidemment tapé dans l’œil d’un autre gangster d’amour, rappeur celui-là, Stomy Bugsy :

On a grandi avec Dutronc. Il a fait ses plus grands cartons dans les années 1960/70, comme je suis né en 1972, j’ai baigné dans ça, sans le savoir, et surtout à la télé. Arsène Lupin, la chanson est géniale ! “Gentleman Cambrioleur”, c’est un peu le gangster d’amour ! Ça me colle à la peau, c’est très américain et en même temps très français. La série est super avec Georges Descrières mais ce qui fait la série, c’est vraiment le générique. Sans ce générique un peu à la James Bond, ça n’aurait pas été pareil.

La conclusion de l’album, « Le Bras Mécanique », est signée Gainsbourg et évoque une femme synthétique, comme l’héroïne télévisuelle Super Jaimie, et il en profite pour se livrer à quelques métaphores sexuelles que n’aurait pas désavoué William S. Burroughs, l’auteur du Festin Nu, ni JG Ballard, qui signa le roman Crash : « Un bras mécanique/ Un sein en plastique/ Un arrière-train électrique/ Qu’elle brique à l’Harpic/ Et rince à l’Ajax/ Et c’est pas du Lux ». Fume, c’est du Gainsbarre !

Guerre Et Pets (1980)

Troisième Rewind dutronnesque avec Guerre Et Pets, sorti en 1980. Dès la chanson d’ouverture, « L’Hymne À L’Amour (Moi L’nœud) », on sait où on est : dans un album pétomane, venteux, conçu par deux gamins indécrottables qui ont comme distraction des concours de pets. Logique pour Dutronc qui racontait volontiers cette anecdote odorante : « Quand j’étais petit, mon père avait l’habitude de balancer un pet gigantesque et de dire à la dame assise à côté de lui : “Ne vous inquiétez pas, je dirai que c’est moi”. C’est un héritage qui se transmet de pet en fils ». L’obsession anale est donc une vieille lune pour le chanteur, qui trouve que « balancer un pet, c’est moins sale que de voir les gens se laver les dents ».

Album J Dutronc. guerre et pets.
En 1980, Jacques Dutronc sort son troisième album « Guerre Et Pets », un projet musical rempli de chansons humoristiques.

Sur TV5 Monde en 2004, Jacques Lanzmann, qui ne travaillait plus avec Dutronc depuis quelques années, donnait sa version de son premier divorce avec Dutronc, pendant l’enregistrement de Guerre et pets sur lequel il a placé deux textes : « J’ai foutu le camp en 1978. On enregistrait avec Gainsbourg, j’avais quatre textes et lui aussi. Arrive le directeur artistique, que j’aime beaucoup par ailleurs, j’ai une tendresse profonde pour lui parce que c’est un provocateur. Et il nous dit à Gainsbourg et à moi “Mais dites donc les gars, c’est de la merde, vos textes !” Or, il les avait déjà depuis six mois. Et je lui dis “Si c’est de la merde, moi, je pars de toute façon au Népal demain matin, salut, au revoir”. Et là, Gainsbourg me rattrape et me dit “Mais Jacques, s’il te plait, ne fais pas le con, ça fait du blé ! On va les retravailler !”.

Gainsbourg avait ceci d’extraordinaire, il avait justement un recul que je n’avais pas. Il s’est mis par terre, il s’est prosterné et il a embrassé les chaussures de ce fameux directeur artistique, avec l’humour nécessaire. Et moi, je ne peux pas faire ça, je suis parti. Ma devise, c’est “Si tu veux te trouver, commence par te perdre”. Je me suis trouvé, je me suis perdu, et ce que j’aime, c’est me retrouver, me reperdre et continuer comme ça ».

« La Vie Dans Ton Rétroviseur », un des deux textes écrits par Lanzmann sur Guerre Et Pets, oublie l’ironie mordante des débuts et fait place à un constat désabusé sur les fantômes du passé. Dutronc a expliqué à Rock & Folk la différence de la méthode Gainsbourg par rapport à celle de Jacques Lanzmann :

Avec Lanzmann, on ne se voyait pas, jamais. Il me filait des textes et des idées, enfin, on en échangeait un peu et au final, j’aménageais tout ça. En répétant, les musiciens disaient : “Il y a des trucs bizarres” et je leur disais de ne pas s’inquiéter. Il y avait des phrases de quarante pieds et d’autres de deux pieds. C’était très décalé, très bizarre. Serge était un musicien et il avait le sens des mots. On se voyait beaucoup. Par contre, on ne travaillait pas. On s’appelait pour un mot ou on laissait une enveloppe avec un texte ou, par moments, le texte n’était pas fait quand on arrivait en studio. Ça se faisait sur le tas. (…) C’était bien avec Serge.

Dutronc au Casino (1992)

Rewind 4, Dutronc Au Casino, le live du grand retour. On est en 1992 et pendant un mois, Dutronc s’installe au Casino de Paris pour une résidence qui est un événement majeur, puisque cela fait alors près de 20 ans qu’il a déserté les planches.

Dutronc au casino
« Dutronc Au Casino » est un album live de Jacques Dutronc enregistré en 1992 lors de son concert au Casino de Paris. Il contient des versions en direct de certains de ses plus grands succès, notamment « Et moi, et moi, et moi », « Les Cactus » et « Il est cinq heures, Paris s’éveille ».

Pour la promo du show, Dutronc a une idée géniale et sadique à la fois : inviter les journalistes sur son arène, la scène. En plein milieu du concert, le groupe s’arrête de jouer, deux chaises sont installées et Dutronc accueille sa victime, qui la plupart du temps finira vite par se faire huer, le public étant venu pour entendre les hits et pas des journaleux curieux. L’attachée de presse de Sony Music, Marie-Laurence Gourou, se souvient encore de l’humiliation publique de Guillaume Durand, trop confiant et n’ayant pas voulu faire court : « Quand j’ai eu Guillaume Durand au téléphone, il m’a dit “Alors c’est quoi les consignes ?” J’ai essayé de lui dire “Il n’y a pas de consigne, mais si je peux me permettre de vous donner un conseil, puisque j’ai pu observer, il ne faut pas laisser de temps mort, c’est le public qui est dangereux. Ce n’est pas lui”. Il m’a répondu “Oui oui”, style, je connais mon métier. Le lendemain, il a pris son temps. Et ça n’a pas raté. C’est un de ceux qui se sont pris le plus grand bide de leur vie. Quand tu prenais ton temps, le public voulait voir Dutronc, donc il gueulait. Après, je l’ai croisé dans les coulisses. Il était tout rouge. Mais ne me téléphone pas si tu veux pas m’entendre ! Ça a été chaotique, quand même”.

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Ce que confirmera Dutronc lui-même sur le plateau de « Nulle part ailleurs » à Canal + : « Ah, Guillaume Durand, il y a eu un problème. Peut-être qu’il pensait être sur son plateau, et il a commencé par dire, je crois, “Taisez-vous” au public. Et là, ça s’est très mal terminé, enfin même pas très mal terminé, ça a très mal commencé, puisqu’après il n’a pas entendu la fin, ça a été : “Dehors, fumier !” J’ai entendu des insultes que je ne connaissais pas d’ailleurs, j’étais assez ravi ». Sinon, ce live de haute tenue est un véritable best of des plus gros morceaux de Dutronc, avec bien sûr « Il Est 5 Heures, Paris S’éveille », « Merde In France » et « La Compapade », le morceau qui déclenche une transe collective avec son mantra vocal répété mille fois. Pour ce titre exotique et nonsensique, Dutronc et sa team avaient distribué au public des percussions et ustensiles divers pour accompagner l’orchestre. Encore un délire signé Dutronc Jacques…

Dutronc & Dutronc (2022)

Et on en arrive à l’ultime Rewind, le cinquième, celui qui réunit père et fils, Dutronc & Dutronc, sorti en 2022, juste avant une tournée D&D. « Thomas est un grand travailleur, ce qui est une qualité, sauf peut-être en Corse. Avec moi, ça fait une moyenne ». Ainsi parlait Jacques peu avant le lancement de cette tournée tant attendue autour d’un répertoire dutronnesque allant de « Et moi, et moi, et moi » à « Aragon ».

Quand Thomas chante « Je N’Suis Personne (Éternel jusqu’à demain) », écrit en pensant à son Père, la fusion est totale. « Moi ce que je préfère/ C’est ne rien faire/ N’allez pas croire que c’est facile/ De rester au bar et de garder son style ». Nonchalance et élégance, dilettantisme de façade, les chiens ne font pas des chats (et les Dutronc adorent le chats). Le titre le plus émouvant de ce disque à deux voix et à quatre mains, c’est bien celui-là.

Jacques et Thomas Dutronc
« Dutronc & Dutronc » contient des reprises de chansons classiques de Jacques Dutronc, ainsi que des titres originaux écrits par les deux artistes.

Thomas se souvient du chemin de croix qu’il a du parcourir pour convaincre son « papounet », comme il aime à l’appeler :

« Je lui avais montré “Je n’suis personne” éventuellement pour lui, comme ça. Il l’avait trouvée super, il m’avait même dit “On ne m’a pas fait une chanson aussi bien depuis 15 ans”. J’étais content parce que j’en menais pas large quand je lui ai proposée : la chanson était toute fraîche, on venait de l’écrire deux jours avant avec David Chiron qui a fait la musique, on l’avait laissée reposer une soirée, on était super content. Et genre deux ans après, je me dis “On n’en a pas d’autre là, il ne va jamais faire de disque si ça se trouve, alors autant l’enregistrer sur le mien en duo et on refera une version sur son disque à lui s’il veut. J’ai proposé ça et ça ne s’est pas bien passé parce que j’ai enregistré un arrangement en Angleterre qui n’était pas super, on n’avait pas la bonne tonalité et en plus, on a choisi de chanter à l’unisson, bref, c’était vraiment raté.

Et quand j’arrive pour enregistrer, mon père n’avait pas dormi de la nuit, il était complètement saoul, et il n’a pas pu chanter une phrase. Là, j’étais un peu triste, je ne vous le cache pas. Pour qu’on le rechante ensemble (sur l’album Dutronc & Dutronc, ndr) il a fallu que je lutte, vous ne pouvez pas imaginer, parce qu’il ne voulait vraiment pas la faire. Il disait “C’est sinistre, ça emmerde tout le monde”. Je lui ai dit : “Écoute, c’est la seule chanson qui raconte quelque chose entre toi et moi, il y a une histoire, elle peut amener une émotion. Le concert est super, un rappel comme ça, ça fera du bien après “Merde in France” et la reprise des “Cactus”, une balade en rappel… Il ne voulait vraiment pas ! Parce qu’il était resté sur le souvenir du premier enregistrement de 2015, en fait. J’ai réussi à lui faire enregistrer en Suisse et quand on a écouté le résultat, il a trouvé ça super et il a dit “Bah tu vois, je t’avais dit qu’il fallait la faire, je ne comprends pas pourquoi tu ne voulais pas la faire !” »

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L’émotion est là, mais l’audace est aussi présente sur l’album avec une reprise de « Il Est 5 Heures » où la mélodie de la flûte traversière du titre original est jouée à la guitare. Une façon de faire évoluer ce classique des classiques, élu « chanson du siècle » par la Sacem. « Le Responsable », « J’aime Les Filles », « L’Opportuniste » et « Gentleman Cambrioleur » sont au menu de cet album, prélude à un album live de la tournée qui devrait voir le jour à la rentrée 2023.

En attendant, Dutronc Jacques fête ses 80 ans en avril 2023, et on lui a rendu hommage avec Éric Jean-Jean en signant, à quatre mains nous aussi, un livre sur la discographie de ce crooner superbe, Dutronc Une Vie En Chansons, où on retrace l’histoire des tubes et des chansons moins connues qui ont pavé la carrière de cette vieille canaille qu’on ne peut qu’aimer. Dutronc ? On ne lui dit jamais non.

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