Le Rewind : Pink Floyd présenté par Olivier Cachin

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Mis à jour le 10 décembre 2021

Une plantureuse discographie qui plane plus haut que la Tour Eiffel, du grandiose et du kitch, bref il fallait hiérarchiser un peu toute cette luxuriante avalanche de son, et le Rewind est là pour ça. 

On démarre le Top 5 avec une compilation essentielle sortie à l’origine en 1971 en format vinyle, et maintes fois rééditée depuis : « Relics », soit un best of des premiers singles du groupe, quand l’elfe halluciné Syd Barrett était encore aux commandes des compositions et signait des titres aussi indémodables et lysergiques que « See Emily Play » et « Arnold Layne », deux des exemples les plus emblématiques de son génie psychédélique aussi bien que mélodique. Quelques décennies plus tard, en 2006, David Bowie livrera d’ailleurs sa version d’« Arnold Layne » en compagnie de David Gilmour. Les paroles sont farfelues et inattendues, puisqu’il y est question d’un travesti qui vole des sous-vêtements féminins sur des cordes à linge.

Autre grand moment de ce disque à la pochette dessinée par le batteur Nick Mason, la suite « Interstellar Overdrive », semi-improvisation géante enregistrée en 1967 et qui a fait fondre le cerveau de toute une génération, dont Alex Paterson, fondateur du groupe ambient house The Orb qui n’a cessé de s’inspirer de ce monument pour ses composition électronico-psychédéliques. Effets spéciaux, effets spatiaux, expérimentations en stéréo, tout ça et plus dans ce monument qui fut repris notamment par T. Rex, Hawkwind et, étonnamment, les stoners grunge de Seattle Pearl Jam. 

On passe à un album crucial dans la discographie floydienne, « Atom Heart Mother », sorti en octobre 1970, qui propose en couverture… Une vache. Oui, et pas une vache particulière mais la première qui est tombée sous l’objectif du photographe d’Hypgnosis, en l’occurrence le directeur artistique Storm Thorgerson, qui a signé la majorité des pochettes du Floyd, ainsi que de beaucoup d’autres groupes des seventies/eighties. Un choix qui s’explique par la demande du groupe d’avoir un visuel simple qui les éloignerait de l’imagerie cosmique psyché un peu encombrante. Un disque bicéphale dont la face A consiste en une longue suite que David Gilmour a décrit comme « le générique d’un western imaginaire », avec une rythmique basse/batterie jouée par Roger Waters et Nick Mason d’une traite, tout au long des 23 minutes de la suite. 

La face B, elle, sur le modèle de l’album « Ummagumma », laisse le champ libre à chacun des quatre membres du groupe, même si le quatrième morceau, celui de Mason, est crédité à l’ensemble du groupe. Si Syd a quitté le Floyd, il est encore actif et son second album solo (le dernier), « Barrett », sort au même moment, et on y retrouve des contributions de David Gilmour ainsi que de Richard Wright. L’ambition musicale du Floyd est claire avec notamment la présence d’un chœur de 16 chanteurs et des arrangements orchestraux spectaculaires. Bien que cet album soit considéré comme essentiel par nombre de fans du groupe, il a été violemment désavoué par Gilmour, Waters quant à lui étant allé jusqu’à affirmer qu’il ne le rejouerait pas sur scène, même si on lui donnait un million de livres Sterling. 

Fun Fact concernant ce disque important : Kubrick avait envisagé d’utiliser le morceau-titre pour le générique de son fameux film sur l’ultra violence « Orange Mécanique », mais il n’obtint pas la permission du groupe. En guise de clin d’œil, il plaça la pochette du disque dans la scène du magasin de disques. 

Avec « Dark Side Of The Moon », on entre dans la légende. En mars 1973, deux ans après « Meddle » et un an après « Obscured By Clouds », ce huitième album studio est celui de tous les records. Quatorze certifications platine en Angleterre, plus de mille semaines dans les charts américaines, près de 50 millions d’exemplaires vendus dans le monde, et tout ça avec une pochette devenue iconique, celle du prisme de lumière sur fond noir, sans le nom du groupe ou le titre du disque. 

La majorité de l’album est une suite de chansons au format radio, avec le gargantuesque single « Money », tube planétaire au rythme brinquebalant à sept temps devenu célèbre grâce à son gimmick monétaire (le bruit d’une caisse enregistreuse) et à sa mélodie originale. « L’argent m’intéressait énormément », avait déclaré Waters en 1993, « et même si j’étais toujours en faveur d’une société égalitaire, je devais bien me rendre à l’évidence, j’étais devenu un capitaliste. Je me souviens que je rêvais d’avoir une Bentley, et c’était le genre de chose qu’on ne pouvait acquérir qu’avec le rock ou le football. J’étais très branché sur les choses matérielles »

De nombreuses compositions importantes jalonnent cet album essentiel, dont « The Great Gig In The Sky » où intervient la chanteuse Clare Tory, 25 ans à l’époque, qui utilise sa voix comme un instrument de musique, ou encore « Brain Damage », chanté par Waters qui continuera à l’interpréter lors de ses tournées solos. 

Parmi les légendes urbaines entourant cet album exceptionnel, on notera celle selon laquelle il aurait été fait pour être synchronisé avec la superproduction hollywoodienne de 1939 « Le Magicien d’Oz », la « preuve » en étant entre autres la synchronicité entre une phrase de « Time » (« No one told you when to run ») et le moment du film où Dorothy/Judy Garland se met à courir. Si nombre de fans de l’album ont tenté l’expérience, cette belle fable a été contredite par Gilmour et Mason tandis que Waters a déclaré avoir été amusé par l’anecdote. Alan Parsons, ingénieur du son sur le disque, a affirmé qu’à aucun moment de l’enregistrement il n’a été question du « Magicien D’Oz ». 

Deux ans de travail, de réflexion et de studio ont été nécessaires pour offrir un digne successeur au géant « Dark Side Of The Moon », mais le jeu en valait la chandelle : « Wish You Were Here » est un disque superbe, dédicacé de façon cryptique à Syd Barrett à travers le morceau « Shine On You Crazy Diamond », quasi-acronyme de SYD, qui est alors devenu fou suite à sa frénétique consommation de drogues hallucinogènes. Le groupe racontera par la suite la brève visite de leur ex-partenaire aux studios d’Abbey Road, le 5 juin 1975, pendant le mixage de l’album. Syd a grossi, il s’est rasé le crâne et les sourcils. Waters ne le reconnait pas, Gilmour pense qu’il s’agit d’un membre de la maison de disques. Ce sera la dernière fois que le groupe croisera la route de Syd, qui finira ses jours cloitré chez sa mère. 

Un des titres les plus populaires de l’album, « Wish You Were Here », a été repris notamment par Alpha Blondy en version reggae et par Wyclef Jean des Fugees. On y entend le violon du français Stéphane Grappelli mais si étouffé par le mix qu’on a longtemps cru qu’il avait été supprimé. Du coup, les membres du groupe décidèrent de ne pas le créditer, estimant que cela serait insultant pour cet artiste hors pair qu’ils admiraient. 

Le 5 juillet 1975, quelques semaines avant la sortie de l’album, Pink Floyd en joua une grande partie lors du festival de Knebworth, un moment de grand chaos avec des avions Spitfire de la seconde guerre mondiale qui survolaient la scène durant le gig, perturbé par des problèmes techniques ayant désynchronisé les claviers de Wright (qui quitta le concert en plein milieu) et obligèrent le groupe à brièvement arrêter le concert. Les critiques de l’époque furent pour le moins contrastées, Rolling Stone et Melody Maker descendant l’album de façon brutale. L’Histoire a rendu justice à « Wish You Were Here », qui reste l’album préféré de David Gilmour.

Enfin, « The Wall ». Sorti en 1979, ce disque majeur est-il un album du Floyd ou un solo déguisé de Roger Waters, qui en écrivit la quasi-totalité et qu’il joua dans les stades du monde entier des années après avoir quitté ses ex-complices ? Concept album schizophrène racontant l’histoire de Pink, une rock star paranoïaque, ce LP est le coup d’état de Roger, seuls trois titres sur les 26 ayant été coécrits par David Gilmour et un par le producteur Bob Ezrin, qui fut quelques années auparavant l’architecte sonore du « Berlin » de Lou Reed. 

Porté par le succès single d’« Another Brick In The Wall Part 2 », ce projet audacieux fut la deuxième meilleure vente du Floyd avec trente millions d’exemplaires écoulés. Ce disque d’une grande noirceur connut une adaptation cinématographique réalisée en 1982 par Alan Parker, avec Bob Geldof dans le rôle de Pink et des animations cauchemardesques de Gerald Scarfe, prolongation de ses œuvres incluses sur la jaquette du disque.  

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