Premiers pas sur Tatooine
Alors qu’il écrit le scénario de Star Wars au milieu des années 1970, Georges Lucas, l’un des meilleurs amis de Francis Ford Coppola et Steven Spielberg, un membre émérite du Nouvel Hollywood, imagine la planète des Skywalker comme une jungle dense et humide. À l’époque, un site aux Philippines est même choisi pour accueillir la production. Néanmoins, les amis producteurs de George Lucas pensent que cet environnement en partie hostile risque de rendre les choses compliquées. Francis Ford Coppola s’en rendra d’ailleurs compte lui-même peu de temps après en manquant de perdre la raison sur le plateau d’Apocalypse Now.

C’est alors que le regard du réalisateur visionnaire se porte sur l’Afrique du Nord et en particulier sur la Tunisie. C’est ici, parmi les dunes, que George Lucas trouve son bonheur. Dans le désert de Tataouine notamment, dont il modifie à peine le nom pour baptiser sa planète, plusieurs endroits sont retenus pour filmer les séquences d’Un Nouvel espoir, le premier volet de la franchise.
Dans le scénario, Tatooine est le refuge d’individus peu recommandables comme les chasseurs de prime, les assassins et autres contrebandiers. Recouverte d’un désert aride au sein duquel quelques villes tentent de résister aux agressions constantes d’un climat difficile, Tatooine présente également la particularité de posséder deux soleils. Des années plus tard, les scientifiques responsables de la découverte de la planète Kepler-16b et de ses deux soleils surnommeront cette dernière Tatooine, avec l’approbation de George Lucas.

Patrie des Skywalkers, Tatooine est le centre névralgique de toute la saga Star Wars. Elle apparaît en cela dans la majorité des films et des séries. Elle revêt donc une importance capitale. Ceci étant dit, embarquons ensemble dans le Faucon Millenium pour partir à la découverte de cette planète désertique à travers la légendaire fresque de la Guerre des Étoiles. Vous êtes bien attachés ? Passage en vitesse lumière imminent. Mets la gomme Chewie !
Épisode 4 – Un Nouvel espoir : les débuts de Tatooine
Convaincu par ses collaborateurs quant aux difficultés inhérentes à un tournage dans la jungle, George Lucas se décide à faire de Tatooine une planète désertique. À la recherche de projets capables de faire de la publicité au pays, le gouvernement tunisien parvient à attirer son attention. Le jeune metteur en scène, dont l’objectif alors est de faire un modeste film de science-fiction pour les enfants, est vite séduit par les arguments mis en avant par la Tunisie. Facilement accessible, proche de Paris et de Rome en avion, le désert possède en outre un aspect profondément épique. Même si les instances n’imaginent pas un seul instant que Star Wars va changer à tout jamais le regard du monde sur ces contrées recouvertes de sable, elles déroulent le tapis rouge à l’équipe de tournage.
Plusieurs sites sont choisis pour la construction des décors : Matmata, Chott el Djerid, où se situe la maison de Luke Skywalker, Ajim à Djerba, où est localisée la ville de Mos Eisley et donc les décors extérieurs de la fameuse cantina, mais aussi la maison d’Obi-Wan Kenobi ; Sidi Jemour et les gorges de Shubiel et Sidi Bouhlel. À l’écran, ces deux endroits accueillent plusieurs scènes d’Un Nouvel espoir à savoir la capture de R2-D2 par les Jawas, l’attaque des Tuskens et la scène du sandcrawler avec les mêmes Jawas.

Le début de la production ne se déroule pas sans heurts. Peu de temps après la construction des décors, une crue aussi inattendue que violente, balaye le plateau et contraint George Lucas à tout reconstruire. Il peut heureusement compter sur le soutien de l’armée tunisienne.
De leur côté, les acteurs doivent composer avec les températures parfois étouffantes et la rudesse du désert. Kenny Baker et Anthony Daniels tout particulièrement, les interprètes de R2-D2 et C-3PO, sont mis à rude épreuve, enfermés dans des costumes pour le moins peu enclins à les aider à mieux supporter la canicule. Cependant, c’est bien Alec Guinness, la star du tournage, qui semble le plus circonspect face à la nature de cette production d’un nouveau genre. Il écrivait à son amie Anna Kaufman en 1976 : « Je ne peux pas dire que j’apprécie le film, on m’apporte régulièrement de nouveaux dialogues pourris sur des bouts de papier rose – et aucun d’eux ne clarifie mon personnage ni le rend supportable. Je vais retourner au studio et travailler avec un nain (il est adorable, – et il doit se laver dans un bidet) et ton compatriote Mark Hamill, ainsi que Tennyson (ça ne peut pas être ça) Ford – Ellison ( ? – Non !) – bon, un jeune homme filiforme et languissant qui est probablement intelligent et drôle. Mais, mon Dieu, mon Dieu, ils me donnent l’impression d’avoir 90 ans – et me traitent comme si j’en avais 106. »

Pour autant, seules les scènes extérieures sont filmées en Tunisie. Les intérieurs ayant pris place dans des studios à Londres. C’est là que fut notamment tournée la séquence culte durant laquelle Han Solo tue Greedo, donnant ainsi naissance à un débat encore aujourd’hui d’actualité, visant à déterminer lequel du célèbre contrebandier ou du chasseur de prime a tiré en premier.
Entre la Tunisie et les États-Unis Si nombre de scènes extérieures ont été tournées dans plusieurs sites tunisiens aujourd’hui toujours ouverts aux visites, George Lucas a exploité des endroits plus près de chez lui, aux États-Unis, pour créer sa planète Tatooine. La Vallée de la mort, le célèbre parc national situé à cheval entre la Californie et le Nevada, a accueilli nombre de séquences primordiales. C’est là que l’équipe du réalisateur a emballé les scènes dans lesquelles R2-D2 et C-3PO sont séparés à la suite de leur crash. L’enlèvement de R2-D2 par les Jawas a aussi été en partie orchestré dans la Vallée de la mort, avec la construction d’un modèle réduit de sandcrawler, cet imposant véhicule avec lequel les petites créatures arpentent le désert de Tatooine. L’attaque des Tusken, bien que partiellement produite en Tunisie, a justifié quelques plans aux États-Unis, ainsi que la vue panoramique de Mos Eisley. Cette dernière consistant en un mixage entre des prises de vues réalisées en Tunisie et dans la Vallée de la mort.
Le Retour du Jedi (et de Tatooine)

Discrète dans L’Empire contre-attaque, la planète Tatooine fait son grand retour dans Le Retour du Jedi, l’épisode VI de la saga. Le réalisateur Richard Marquand installe ses caméras dans la Buttercup Valley du désert de Yuma en Arizona pour tourner la terrible scène de la fosse de Carkoon, repaire du Sarlaac, cette tentaculaire créature qui manque de peu d’engloutir les héros. Quand il décide de tourner des séquences supplémentaires afin d’agrémenter la première trilogie, George Lucas revient dans la vallée pour filmer des plans des Stormtroppers cherchant les droïdes dans le désert. Scènes plus tard intégrées au montage à des plans originaux quant à eux bel
et bien produits depuis la Tunisie.
Tatooine dans la seconde trilogie : retour dans le fief des Skywalkers
Bien décidé à offrir au fan une nouvelle trilogie, cette fois-ci centrée sur l’enfance d’Anakin Skywalker, le futur Dark Vador, George Lucas revient en Tunisie. C’est là qu’il commande la construction de Mos Espa, la ville dans laquelle Anakin vit. Accueilli en héros dans le pays, le réalisateur peut à nouveau compter sur la collaboration des autorités. Après tout, c’est à lui que la Tunisie doit une partie de ses revenus touristiques ainsi que le fait que désormais, la nation est un lieu de tournage réputé, fréquenté par les plus grands comme Steven Spielberg et bien d’autres.
George Lucas désire que Mos Espa soit plus grande que Mos Eisley, la ville d’Un Nouvel espoir. Il s’installe à Ksar Hadada, mais aussi à Onk Jemal, près de la ville de Tozeur, et bien sûr à Ksar Ouled Soltane, à environ 30 km de Tataouine. C’est ainsi dans un ksar, soit un ancien entrepôt de céréales, qu’il aménage le quartier des esclaves d’Anakin. L’hôtel Ksar Hadada accueille la scène dans laquelle la mère d’Anakin parle des origines mystérieuses de son fils au Jedi Qui-Gon Jinn. Un lieu que George Lucas a habilement réhabilité le temps de la production. Il est aujourd’hui abandonné et témoigne à la fois de l’histoire du pays mais aussi de l’une des pages les plus passionnantes et controversées de la saga Star Wars.

Le combat contre Dark Maul dans le désert est tourné au niveau des formations rocheuses des dunes de Chott el Gharsa, au nord de Nefta, là où fut construite une autre partie de Mos Espa. Il reste aujourd’hui quelques vestiges mais le climat ainsi que les tempêtes ne cessent de mettre à mal ces formidables décors. À noter que c’est ici qu’Anthony Minghella a tourné les scènes du désert du film Le Patient Anglais.
Retour à Tatooine pour l’Attaque des Clones et La Revanche des Sith L’épisode II donne une nouvelle fois l’occasion à George Lucas de fouler du pied le désert tunisien. Les intérieurs de la ferme d’Owen Lars sont ceux de l’hôtel Sidi Driss à Matmata. L’extérieur a été construit sur le Chott el Jerid. C’est encore une fois ici que George Lucas a réalisé les plans de Tatooine visibles dans La Revanche des Sith, quand Obi-Wan Kenobi confie un Luke Skywalker encore bébé à l’oncle Owen et à son épouse et que ces derniers, désormais parents, contemplent l’horizon, espérant ainsi que l’arrivée du nouveau né représente bel et bien… un nouvel espoir.

La Tunisie ne s’est jamais vraiment remise du tournage des films de la saga Star Wars. La présence sur les lieux des structures d’époque, bien qu’abîmées, attire toujours les touristes. Des expéditions dans le désert sont organisées et de manière plus globale, le pays tout entier est considéré comme la véritable Tatooine par les fans du monde entier. Pourtant, le tournage de Star Wars faillit bien être la source d’une véritable guerre. En effet, à l’époque du premier volet, Un Nouvel espoir, le gouvernement libyen du dictateur Mouammar Kadhafi envoya des menaces très sérieuses à la Tunisie à cause d’un véhicule militaire stationné à la frontière entre les deux pays. Le véhicule en question étant justement le sandcrawler des Jawas construit par la production de Star Wars. Sandcrawler que George Lucas dut déplacer toutes affaires cessantes afin d’éviter de peu un incident diplomatique aux potentielles conséquences désastreuses.
Tatooine à la télévision
La première production Star Wars pour la télévision voit le jour en 1978 à l’occasion du problématique Star Wars : Holiday Special, intitulé en France Au temps de la guerre des étoiles. Dans ce film de Noël, centré sur la famille de Chewbacca, auquel Harrison Ford, Mark Hamill et Carrie Fisher ont participé, Tatooine apparaît mais l’équipe n’a vraisemblablement pas tourné en Tunisie pour privilégier le confort des studios. Le fait que George Lucas, très peu impliqué dans la production, trop occupé à déménager ses bureaux après avoir profité des considérables retombées financières inhérentes au succès d’Un Nouvel espoir, ait renié le téléfilm joue aussi dans le fait que très peu d’informations sont disponibles au sujet de son tournage.

George Lucas découvre d’ailleurs ce Star Wars pas comme les autres devant sa télévision lors de sa diffusion. Bien qu’il ait eu l’idée de focaliser le récit sur Chewbacca, le réalisateur trouve le résultat parfaitement ridicule et obtient que le film ne soit plus jamais diffusé.
Par la suite, Tatooine figure à plusieurs reprises dans les séries d’animation The Clone Wars et Star Wars Rebels, respectivement diffusées de 2008 à 2020 et de 2014 à 2018. Il faut attendre The Mandalorian, la première série Star Wars proposée sur la plate-forme Disney + pour retrouver Tatooine tel que nous la connaissons. Enfin, presque…
La nouvelle Tatooine des séries Star Wars
Si la Tunisie aurait probablement accueilli à bras ouverts la production de The Mandalorian, du Livre de Boba Fett et d’Obi-Wan Kenobi, malheureusement, aucun plan avec les acteurs n’y fut tourné. The Mandalorian visite Tatooine à deux reprises au cours de ses deux
premières saisons. Elle permet de découvrir comment la planète s’est transformée après la chute de l’Empire et la mort du terrible Jabba le Hutt. Autrefois fourmillante, la ville de Mos Eisley est en ruine et la Catina est déserte. Concernant Le Livre de Boba Fett, c’est en revanche la majorité de l’action qui se déroule sur Tatooine, dans la ville de Mos Espa, soit au même endroit où le jeune Anakin Skywalker fait son apparition dans la deuxième trilogie. En toute logique, vu l’étroite relation que le plus sage des Jedi entretient avec la planète, la série Obi-Wan Kenobi se déroule aussi en grande partie sur Tatooine. Mais où ces trois séries ont-elles été tournées ?
La mise en chantier des nouvelles séries Star Wars en live action a encouragé l’équipe de Lucasfilms à développer avec Industrial Light & Magic, la société d’effets spéciaux créée par George Lucas en 1975, un tout nouveau genre de plateau de tournage, le StageCraft.

Tatooine en numérique
Richard Bluff, le superviseur des effets spéciaux sur les séries Star Wars déclarait au moment du tournage de The Mandalorian : « nous voulions nous affranchir des écrans verts et trouver une alternative qui fonctionnerait à l’échelle d’une série télévisée. »
Malheureusement, le fait que la production soit basée à Los Angeles et que le budget, bien que conséquent (15 millions de dollars par épisode) empêche la construction « en dur » de tous les décors, contraint les équipes à envisager une alternative. Six mois avant le premier jour de tournage, les pontes d’ILM, accompagnés du réalisateur et showrunner Jon Favreau, du producteur exécutif Dave Filoni, du directeur de la photographie Greig Fraser et des spécialistes du studio Epic Games, mettent au point la technologie baptisée StageCraft. Basé sur les travaux accomplis dans le cadre du tournage de Rogue One, le StageCraft consiste en un écran LED de 6 mètres de haut pour 22 mètres de large, incurvé selon un angle de 270 degrés afin de littéralement envelopper la scène. Le procédé rend possible l’incrustation d’effets spéciaux en temps réel mais aussi celle de décors photo-réalistes avec une véritable synchronisation des mouvements de l’environnement, avec moult déplacements de caméra, afin d’encourager une véritable immersion.

À l’écran, le résultat est bluffant à plus d’un titre. Et pour cause : tous les décors projetés sur le fameux écran LED sont vrais car issus de prises de vue à différents endroits. Difficile de savoir donc où commence le décor réel et où finit le décor numérique. Une véritable aubaine pour la production des séries Star Wars en cela qu’elle n’a jamais eu à vraiment se déplacer pour tourner les scènes censées se dérouler sur Tatooine ou dans n’importe quel autre endroit de l’immense galaxie Star Wars, si ce n’est à quelques reprises dans le désert californien pour des plans précis et des prises de vues d’ensemble amenées à être exploités par le StageCraft. Aussi révolutionnaire soit-elle, cette technologie n’est pas sans entraîner quelques contraintes. Plutôt coûteuse, elle n’autorise pour l’instant pas de plans trop larges et exige des acteurs qu’ils se déplacent selon un schéma extrêmement précis afin de ne pas trahir le mouvement des décors de synthèse.
Retour sur la véritable Tatooine
Désormais délaissée par le production Star Wars mais n’excluant pas qu’un jour, les nouveaux films exploitent à nouveau ses dunes et ses incroyables paysages, la Tunisie propose aux touristes de visiter les décors de Star Wars. Comme de nombreux réalisateurs avant lui, George Lucas n’a pas pris la peine de démonter les décors construits spécifiquement dans le désert tunisien. Dans le cas présent, cette négligence se transforme vite en aubaine pour les locaux. Ces derniers profitent directement du succès mondial de la franchise et voient affluer des millions de touristes au fil des ans.

Parmi tous les sites naturels exploités par Star Wars, les décors tunisiens restent les plus emblématiques. Endommagées par les conditions climatiques, par la chaleur et le sable, les constructions ont étonnamment bien résisté au temps. Pourtant conçues en fibre de verre, boue, ciment et aluminium, elles témoignent encore aujourd’hui d’un glorieux passé. Bien sur, certaines structures sont en partie détruites et les décors de la seconde trilogie sont en meilleur état que ceux de la première. Pourtant, rien de plus facile que de se plonger dans l’univers fascinant de la guerre des étoiles quand on évolue dans ce désert pas comme les autres. Les souvenirs et les évocations charriées par les bâtiments se chargeant de favoriser l’émergence de cette fameuse Force qui habite le cœur des fans depuis maintenant 45 ans.
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