Il existe deux divas contemporaines qui n’ont besoin que de leur prénom pour être identifiées : Mariah et Whitney. Pour ce premier Rewind de l’année, zoom en cinq albums sur le tragique destin de celle qui débuta au mitan des eighties pour quitter ce monde un triste jour de février 2012.
Whitney Houston – Whitney
Et on commence ce Top 5 avec le premier album éponyme, celui qui a lancé la carrière de Whitney de façon spectaculaire. La métaphore du conte de fée s’applique particulièrement bien à Whitney, sur qui toutes les bonnes fées du R&B semblent s’être penchées dès le berceau. Sa mère ? Cissy Houston, chanteuse de gospel à la réputation sans tache. Sa marraine ? Aretha Franklin, la « Queen of soul ». Sa cousine ? L’extraordinaire vocaliste Dionne Warwick, qui chanta l’inoubliable « Walk On By ». Son parrain du showbiz ? Clive Davis, boss d’Arista et grand découvreur de talents (Janis Joplin, Patti Smith). C’est lui qui, entendant chanter Whitney dans un club new-yorkais en 1983, a la vision d’une diva superstar.
Whitney n’a chanté que sur un morceau du groupe de Bill Laswell, Material, quand elle sort en 1985 ce premier album qui va instantanément l’imposer comme une artiste d’exception. La méthode choisie par Clive Davis pour obtenir un album puissant est d’aller chercher les compositions les plus fortes et les producteurs les plus efficaces parmi lesquels Kashif, qui s’occupe de « You Give Good Love ». Jermaine Jackson, en pleine phase d’émancipation vis-à-vis de son frère superstar Michael, produit trois chansons : « Someone For Me », « Nobody Loves Me Like You Do » et « Take Good Care Of My Heart », ce dernier étant un duo avec la chanteuse. Michael Masser et Narada Michael Walden sont deux autres des architectes du son de ce premier album qui sort le jour de la Saint Valentin, le 14 février 1985.
Whitney a 22 ans, et ce premier album lui fait accéder au pinacle de la soul eighties.
Si sa voix fait instantanément l’unanimité, les reproches ne manqueront pas, certains affirmant que Whitney n’est « pas assez noire », comprendre qu’elle présente une version trop propre de cette musique de l’âme. Ce qui ne l’empêchera pas de conquérir le cœur des music lovers à travers le monde, vendant 22 millions d’exemplaires d’un premier album en forme de best of avec les singles « The Greatest Love Of All », « Saving All My Love For You », « You Give Good Love » et « How Will I Know ».
Whitney Houston – The Bodyguard
Rewind 2, une musique de film qui va devenir la B.O. la plus vendue de l’histoire. The Bodyguard, fiction autour d’une chanteuse à succès menacée par un mystérieux maitre-chanteur qui va engager un garde du corps dont elle tombera amoureux, offre à Whitney son premier grand rôle au cinéma. Elle est imposée à la production par sa costar Kevin Costner, qui est revenu sur ce casting in extremis lors des funérailles de la chanteuse en 2012 : « Peut-être fallait-il une actrice blanche, personne ne l’a dit tout haut mais c’était une question entendue. J’ai dit à tout le monde que j’avais bien remarqué que Whitney était noire. Le seul problème était que je pensais qu’elle était parfaite pour ce que nous voulions faire ».
Le tournage du film est décalé d’un an afin que Whitney puisse terminer sa tournée, et Whitney doit passer un « screen test » afin de décrocher le rôle. « C’est la première fois que j’ai vu le doute s’immiscer en elle », racontera Kevin Costner, « Whitney était terrifiée, la plus grande pop star du monde n’était pas sûre d’être à la hauteur. Je lui ai tenu la main et je lui ai dit qu’elle était magnifique ».

L’album ne contient que six chansons de Whitney Houston, mais quelles chansons ! Le hit single qui portera l’album est une reprise d’un titre écrit et composé par la star country Dolly Parton en 1975, « I Will Always Love You ». La version de Whitney est une démonstration de force, une interprétation qui transcende ce magnifique morceau et met à genoux les charts du monde entier. « Queen Of The Night », « I Have Nothing » et « I’m Every Woman », une reprise de Chaka Khan, sont parmi les autres moments forts de cette B.O. exceptionnelle.
Le film est accueilli fraichement par la critique, mais le public lui fait un triomphe avec des recettes mondiales cumulées de 411 millions de dollars. Album de l’année aux Grammy Awards, la B.O. de The Bodyguard est le point culminant de la carrière de Whitney, qui avait prouvé dès 1990 avec son troisième album studio I’m Your Baby Tonight qu’elle était capable de chanter sur des musiques plus urbaines que celles de ses deux premier LPs.
Whitney Houston – My Love Is Your Love
Rewind numéro 3, et on glisse vers l’année 1998 pour le quatrième album studio, My Love Is Your Love. Whitney a tourné à travers le monde et a joué dans deux long-métrages après The Bodyguard, Waiting To Exhale en 1995 et The Preacher’s Wife en 1996. Trois nouvelles chansons dans Waiting To Exhale dont le gros hit « Exhale (Shoop Shoop) », et une B.O. gospel (son rêve depuis longtemps) pour The Preacher’s Wife, mais pas de nouvel album depuis huit ans.
L’impact de My Love Is Your Love, annoncé par « It’s Not Right But It’s OK », un street single irrésistible produit par Rodney « Darkchild » Jerkins, met tout le monde d’accord : c’est une Whitney transformée que l’on voit dans le clip, amaigrie, en robe de cuir noir, cheveux raides coupés court, en mode conquérante. Le Grammy pour la meilleure performance vocale féminine gagné avec « It’s Not Right But It’s OK », le sixième de la chanteuse, sera son dernier.

L’autre point fort de cet album auquel participent Missy Elliott, Faith Evans, Kelly Price et Wyclef Jean des Fugees est le duo avec Mariah Carey enregistré pour la B.O. du film d’animation Le Prince d’Égypte, « When You Believe ». Tout semble sourire à Whitney, qui après avoir été en couple avec Jermaine Jackson et Eddie Murphy s’est mariée en 1992 avec Bobby Brown, le turbulent enfant vedette du boys band juvénile New Edition devenu star en solo.
Et le conte de fée va se transformer en cauchemar avec la descente aux enfers de la drogue dure pour le couple. En 2005, Voici publie les photos prises par sa belle-sœur, Tina Brown, montrant une salle de bain dévastée, remplie de détritus et de substances diverses. Les titres de l’article ? « Sur le fil du rasoir », « Houston, vous avec un problème », « Comment la diva soul est devenue drogue-queen ».
Whitney Houston – I Look To You
Rewind 4, l’album de la dernière chance. Quand sort I Look To You en 2009, Whitney est au bout du rouleau. Son précédent LP, Just Whitney, a déçu les fans et n’a pas obtenu les résultats escomptés. Les problèmes de toxicomanie, rendus publics dès 2000 lorsqu’elle est arrêtée à l’aéroport d’Hawaï avec un sachet de marijuana dans son sac à main, se sont intensifiés. C’est au crack que la diva carbure, au risque de détruire son bien le plus précieux : sa voix. En 2001, elle chante pour le 30th Anniversary Special de Michael Jackson et sa maigreur relance les rumeurs, qui seront hélas bien vite confirmées.

Le single « Million Dollar Bill », écrit par Alicia Keys et coproduit par Swizz Beatz, est de bonne facture, et R. Kelly offre deux titres à la diva sur la descente.
Le premier est « Salute », chanson au tempo militaire dans laquelle Whitney reprend une rime fameuse de « Mama Said Knock You Out », un hit du rappeur old school LL Cool J : « Don’t call it a comeback, I’ve been here for years » (N’appelez pas ça un comeback, ça fait des années que je suis là).
Le second est celui qui donne son titre à l’album, une balade au piano qui sera le premier single extrait de cet album de la dernière chance. « I Didn’t Know My Own Strength », produit par David Foster et écrit par la spécialiste des tubes imparables Diane Warren, est un des meilleurs titres de ce disque qui, malgré ses bons moments, marque une baisse de puissance vocale que les concerts à venir ne feront que confirmer. La diva est en train de couler.

Les premiers concerts de sa tournée en 2010 sont catastrophiques. Des images tournent sur YouTube où l’on voit des fans sortir du show en affirmant qu’ils ont assisté à un naufrage. Les quelques vidéos amateurs du show, filmées en Australie, montrent une diva déchue, perdue dans des soliloques pathétiques, sans voix, massacrant ses classiques. La tournée n’ira pas à son terme, le concert prévu le 6 avril à Paris Bercy est repoussé au 1er juin, puis finalement annulé, « pour raisons de santé ».
En octobre 2011, elle apparait dans Sparkle, un biopic sur les Supremes de Diana Ross dont elle est également productrice. Whitney ne verra jamais la sortie en salles de ce long-métrage. Sa vie prend fin un triste soir de février 2012, dans la baignoire de suite au cinquième étage du Beverly Hotel, quelques heures avant son passage sur la scène lors d’une grande soirée pré Grammy Awards organisée par Clive Davis, son mentor et ami.

Clive Davis qui déclarera peu après l’annonce du décès : « Je suis bouleversé par la perte de quelqu’un qui a tant compté pour moi. Whitney était une belle personne, et un talent sans égal ».
« J’ai le cœur brisé, je suis en larmes après la mort choquante de mon amie, l’incomparable Whitney Houston », se lamente Mariah Carey sur son compte Twitter. Bobby Brown, que beaucoup ont accusé d’avoir été le déclencheur de la toxicomanie de sa femme (« Son amour pour Bobby Brown l’a tuée », écrivait carrément le magazine VSD en couverture de son numéro de février 2012), assiste en catimini à l’enterrement, la famille ayant fait savoir qu’elle ne tenait pas à le voir.
I Will Always Love You The Best Of Whitney Houston
Rewind 5, post mortem donc : I Will Always Love You The Best Of Whitney Houston, sortie en 2014, est l’ultime testament musical de Whitney, l’assemblage de ses hits les plus emblématiques, de « You Give Good Love » à « Higher Love », remixé par le producteur norvégien Kygo. Un texte de Clive Davis accompagne cette triste compilation, et fin 2022 arrive l’inévitable biopic, I Wanna Dance With Somebody.

Réalisé par Kasi Lemmons, qui démarra sa carrière comme actrice chez Spike Lee dans School Daze en 1988, il offre un premier rôle à la jeune Naomi Ackie, 31 ans, convaincante en Whitney, tandis que le vétéran Stanley Tucci, habitué des seconds rôles, incarne avec réalisme le producteur Clive Davis. Hélas, le film a beau comporter quelques moments de bravoure, il manque de rythme et déçoit le public, totalisant 54 millions de dollars au box-office.
Reste le souvenir d’une formidable chanteuse dont la tragédie humaine ne doit pas faire oublier ses multiples triomphes : 6 Grammy Awards, 21 American Music Awards (une record pour une artiste féminine), 15 Billboard Music Awards, 11 NAACP Image Awards, 6 People’s Choice Awards, 6 Soul Train Music Awards, 2 Emmy Awards et une induction au Soul Train Hall Of Fame. Sans oublier les 120 millions d’albums vendus tout au long d’une carrière qui aura duré trente ans. Rest In Peace, Whitney.
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