Tour de force

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Mis à jour le 15 avril 2024

Brian Johnson a marqué plusieurs générations de spectateurs grâce à son merveilleux travail pour le cinéma et la télévision. Il s’est ainsi fait remarquer sur plusieurs séries de Gerry Anderson telles que Thunderbirds (Les Sentinelles de l’air), Supercar, Fireball XL5 ou Stingray. Ce furent autant de préludes aux incroyables effets spéciaux des séries de science-fiction UFO, Alerte dans l’espace et Cosmos 1999, cette dernière se hissant au rang de série culte pour toute une génération.

Brian Johnson est une légende des effets spéciaux à la télévision britannique pour les nombreuses séries produites par Gerry Anderson mais il a aussi œuvré au cinéma en travaillant sur 2001 : l’Odyssée de l’espace, Alien, le huitième passager, Le Dragon du lac de feu, L’Histoire sans fin, La Grande Menace (ndlr : avec Lino Ventura), La Malédiction de la Panthère Rose, et bien évidemment L’Empire contre-attaque sur lequel il a travaillé aux côtés d’ILM. Brian Johnson reçut de nombreux prix dans sa carrière dont deux Oscars des meilleurs effets visuels, l’un en 1979 pour Alien, le huitième passager et le second en 1980 pour L’Empire contre-attaque, et un prestigieux BAFTA en 1987 pour Aliens de James Cameron. Rencontre avec ce grand monsieur des effets spéciaux

Brian Johnson sur le tournage de l'Empire contre-attaque
Brian Johnson supervisant le tournage d’une séquence de la planète Dagobah pour L’Empire contre-attaque. Photo Terre Chostner © Lucasfilm Ltd.

Quel genre de films alliez-vous voir dans votre jeunesse ?

J’avais beaucoup aimé Blanche Neige et les sept nains, Fantasia et Un Homme de fer de Henry King.

Quels sont les films qui vous ont donné envie de faire des effets spéciaux ?

Principalement les films de guerre et de science-fiction.

Quelle formation vous a permis de travailler dans cette industrie et surtout dans les effets spéciaux ?

À l’âge de 10 ans, un de mes professeurs m’emmena à l’Institution Royale pour assister à une conférence sur les vibrations et les vagues, c’est ce qui m’incita à aborder des travaux scientifiques visuels et mécaniques. Quand j’ai commencé à travailler chez « Wexham Springs Cement » et « Concrete Research Association », mon job était de mélanger différents types de sable, qui étaient utilisés sur les constructions de ponts routiers. Un vendredi soir, dans un pub local, Les Bowie m’offrit un emploi à « Anglo Scottish Pictures » en tant qu’assistant caméra. Ce fut le début d’une carrière très intéressante dans le domaine de la réalisation cinématographique.

L’un des moments les plus importants dans votre carrière fut votre collaboration avec le magicien des effets spéciaux Derek Meddings. Que pouvez-vous nous dire de votre collaboration ?

Derek et moi avons tous les deux travaillé pour Les Bowie chez « Anglo Scottish Pictures », à Addlestone et Halliford Studios. Les Bowie peignait des mattes (peintures sur verre) avec Ray Caple et Bob Archer. Derek apprenait à peindre des mattes et moi, je balayais le « Anglo Scottish Pictures », et en même temps j’apprenais à charger la pellicule Kodak 35 mm dans différents types de magasins : Newman Sinclair, Mitchell, Arri, Bell, Howell… Derek travaillait en plus la nuit pour Gerry Anderson sur une série télévisée de marionnettes, intitulée Four Feather Falls. Gerry offrit à Derek un emploi sur une nouvelle série Supercar, et il me demanda à son tour de l’aider sur cette série pour m’occuper des effets spéciaux à partir des maquettes.

« POUR LE TOURNAGE DE LA SCÈNE OÙ UN 747 PERCUTE UN GRATTE-CIEL DANS LA GRANDE MENACE, LE PRODUCTEUR M’A APPELÉ LA VEILLE POUR ME DIRE QU’IL AVAIT TELLEMENT CONFIANCE EN MON TRAVAIL QU’IL N’AVAIT SOUSCRIT AUCUNE ASSURANCE. JE PEUX VOUS DIRE QUE JE N’AI PAS FERMÉ L’OEIL CETTE NUIT LÀ ! »

Vous avez aussi travaillé sur Fireball XL5 et Stingray.

J’ai commencé au studio de Gerry à Ipswich Road, puis à Stirling Road pour tourner Stingray dans un bâtiment plus adapté à la production de films de marionnettes. Derek allait ensuite continuer sur sa lancée et concevoir les Thunderbirds et ses iconiques vaisseaux 1,2,3,4 et 5.

Quelle fut votre expérience sur Thunderbirds et votre collaboration avec Gerry Anderson ?

J’ai géré l’une des deux équipes d’effets spéciaux et Derek gérait l’autre jusqu’au moment où il fut si occupé à concevoir les vaisseaux et les storyboards que Ian Scoones a repris l’autre équipe, mais toujours sous la supervision de Derek. Chaque équipe faisait les effets pour un épisode et nous devions tourner environ 4 à 5 plans par jour. Un jour Les Bowie m’appela car il avait besoin de moi sur un film en production aux studios de Borehamwood, et c’était 2001 : l’Odyssée de l’espace ! J’ai travaillé sur ce film pendant 3 ans et 4 mois, avec Wally Veevers, Wally Gentleman, Doug Trumbull et Stanley [Kubrick]. J’étais responsable des systèmes de projection des instruments de contrôle du vaisseau Discovery, de la maquette de l’anomalie magnétique Tycho modèle TMA-1 (le Monolithe) du cratère lunaire, de l’électronique du « Star Child » qui fut sculpté par Liz Moore (ndlr : Liz Moore qui sculptera plus tard C-3PO et le stormtrooper), du Slit Scan avec Doug Trumbull, du tournage avec Stanley (Kubrick) des maquettes du Discovery (16 mètres de long), de l’Aries et du Satellite, des finitions de la maquette du Moonbus grâce à des kits de modèles réduits achetés à la foire du jouet de Nuremberg. Il y avait des équipes fantastiques dans tous les départements dont Tony Masters, Harry Lange… Kubrick m’a donné la mission de faire flotter dans les airs le stylo à bord de la section passagers de la navette spatiale Pan-Am, Orion III, avec des fils. Mais la meilleure solution, ce fut d’accrocher le stylo avec du scotch double face 3M, sur une surface rotative en verre.

Affiche du film 2001, l'Odyssée de l'espace
L’affiche de 2001 : l’Odyssée de l’espace présente une magnifique peinture de Robert McCall. Brian Johnson était responsable (entre autres) de la fabrication des maquettes dont le vaisseau U.S.S. Discovery.

Vous avez aussi travaillé sur Orange mécanique.

Sur un plan uniquement, celui de la colline du West Wycombe où une épée truquée était censée passer directement à travers l’estomac de Malcolm McDowell, au coucher du soleil. Hélas, la séquence fut entièrement coupée au montage.

Qu’avez-vous fait sur la série Poigne de fer et séduction, qui fut une célèbre série diffusée en France ?

J’étais responsable de tous les effets spéciaux de plateau au Danemark, en Autriche et en Italie : explosions, coups de feu, fumée, feu… Cela signifiait remplir une camionnette Volkswagen avec des explosifs, des fusils, des balles à blanc et la conduire à travers l’Europe en passant les frontières. En atteignant la frontière italienne tout mon chargement d’armes a été confisqué ! J’ai dû appeler le bureau de production de Venise pour dire que les armes n’étaient plus disponibles. À mon arrivée à Venise, le bureau de production disposait d’armes identiques, grâce à la Mafia !

La série Cosmos 1999, avait vraiment des effets incroyables pour l’époque. Furent-ils difficiles à créer ?

Comme j’avais le contrôle absolu, mais pas énormément d’argent, j’ai utilisé beaucoup de compétences acquises grâce à Les Bowie. Quand je reçus la première version du scénario, je me suis immédiatement souvenu du Moonbus fabriqué pour 2001, l’Odyssée de l’espace. Doug Trumbull et moi avions rajouté des morceaux de kit en plastique provenant de modèles réduits du commerce afin de rajouter des détails sur la surface extérieure de la maquette. À l’époque, j’avais esquissé une idée approximative d’un autre Moonbus qui avait une structure extérieure « nid d’oiseau » semblable à la Maserati « Birdcage » Type 61. J’ai jeté le croquis quand j’ai quitté 2001, l’Odyssée de l’espace. J’ai donc fait un autre croquis rapide, mais qui ressemblait plus à un Aigle qu’au Moonbus et qui avait une section centrale amovible pour répondre aux diverses exigences des 24 épisodes. J’avais également prévu d’avoir environ 20 variations différentes de la nacelle centrale. Tous les effets spéciaux avec maquettes ont été réalisés aux Studios Bray. Mon unité devait réaliser environ six plans par jour et ce, en utilisant la technique de l’exposition multiple et parfois allant jusqu’à six expositions différentes de la même pellicule avant qu’elle ne parte au labo pour développement. Gerry Anderson voulait que nous tournions avec du 16 m/m mais je lui ai imposé du 35 m/m afin d’avoir une meilleure qualité d’image.

Brian Johnson avec Sylvia Anderson et des maquettes de l'Aigle Transporteur
Brian Johnson et la productrice de la série Cosmos 1999, Sylvia Anderson, avec les maquettes de l’Aigle Transporteur. © ITC Entertainment Group Limited.

Gerry Anderson avait-il choisi des stars américaines pour la série ?

Oui, il est allé aux États-Unis et il est revenu accompagné de Martin Landau et sa femme Barbara Bain. Dans la série, Martin Landau ne pilotait qu’un Aigle allant de droite à gauche car la gauche était son meilleur profil et donc, au moment de faire les storyboards, je savais immédiatement quel Aigle volait ! Barbara Bain, elle, ne voulait pas tourner sa tête afin d’avoir la peau de son cou toujours lisse !

Pouvez-vous nous parler de la seconde saison de Cosmos 1999 ?

La deuxième saison a franchement été un cauchemar. L’actrice Catherine Schell était délicieuse. Nick Tate, Tony Anholt et les nombreuses superbes actrices ont fait de leur mieux, mais les scénarios n’étaient pas très bons alors même que ceux de la première saison n’étaient pas fantastiques.

Brian Johnson au milieu des maquettes de L'Empire contre-attaque.
Brian Johnson au coté de la maquette d’un stardestroyer fabriqué par les équipes d’ILM, lors du tournage d’un plan sur fond bleu pour L’Empire contre-attaque. Photo © Lucasfi lm Ltd.

Je crois que vous deviez travailler sur le tout premier Star Wars. Que s’est-il passé ?

J’attendais que la deuxième saison de Cosmos 1999 soit annoncée quand j’ai reçu un appel de Peter Beale, le responsable de la 20th Century Fox à Londres afin de savoir s’il pouvait visiter les Studios Bray, la semaine suivante, accompagné d’autres responsables de la Fox. J’ai répondu « oui, bien sûr ». Mais peu de temps après, j’ai entendu dire que Gerry voulait me voir dans son bureau de Pinewood. Il m’a dit qu’il avait eu le feu vert pour la deuxième saison de Cosmos 1999, mais qu’il y aurait des changements et moins de budget. J’ai dit que je ferais la série et ce, malgré toutes les contraintes. Mon équipe était contente à cette annonce et nous avons même fait quelques tournages avant le début de la série, comme Into Infinity, un court métrage scientifique financé par Malcolm Forbes. La semaine suivante un groupe de personnes est arrivé et je leur ai montré nos plateaux et comme nous étions dans un plan d’exposition multiple de planètes et d’étoiles, je leur ai expliqué notre technologie pour éviter toute double exposition. Deux Américains ont montré beaucoup d’intérêt et m’ont demandé pourquoi je ne tournais pas les plans avec un Motion Control (ndlr : caméra pilotée par ordinateur). Je leur ai expliqué que je devais réaliser 5 à 6 plans par jour et qu’à l’époque le Motion Control était un système rudimentaire [mis au point par Dennis Lowe, un des membres de l’équipe de Cosmos 1999]. Ce n’était donc pas approprié, qu’il aurait aussi fallu des tireuses optiques et que donc, tout cela était trop lent et trop coûteux. Peter Beale a alors déclaré que Fox allait produire un film de science-fiction appelé The Adventure of Starkiller (Les Aventures de Starkiller). Un des Américains a demandé si je serais disponible pour faire les effets du film et j’ai malheureusement répondu que j’avais accepté de faire la seconde saison de Cosmos 1999 depuis quelques jours. Bien entendu, j’aurais beaucoup aimé participer à ce film mais je ne pouvais pas laisser tomber Cosmos 1999. C’est « OK » dit l’Américain, nous allons faire toute une série de films et vous pouvez donc travailler sur le deuxième. Les deux Américains se sont avérés être George Lucas et Gary Kurtz. Pour finir, j’ai été très heureux de pouvoir être impliqué dans la seconde saison de Cosmos 1999 car j’ai ainsi eu le temps de m’améliorer sur certaines techniques pour L’Empire contre-attaque.

Quel souvenir avez-vous de la première projection de Star Wars ?

C’est Peter Beale qui m’a montré Star Wars au bureau de la 20th Century Fox à Soho Square, à Londres. Dire que j’étais impressionné est un faible mot. J’avais vu certains des croquis conceptuels originaux de Ralph McQuarrie – si puissants et reproduits avec tant de précision par le Département Artistique. Le son était étonnant et cela m’a donné envie de commencer tout de suite sur L’Empire contre-attaque. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé, Peter Beale avait d’autres idées en tête.

  »La séquence du Chestburster d’Alien était décrite dans le scénario, je devais juste m’assurer que cela soit bien horrible.  »

Vous voulez peut-être parler du film Alien ?

Peter Beale m’a envoyé un scénario de Dan O’Bannon et Ron Shusett appelé Alien – à l’origine Star Beast. J’ai été stupéfait par le scénario, et je voyais très bien comment on pouvait faire de très bons effets afin d’améliorer la dramaturgie liée à l’espace confiné du vaisseau. Comme j’avais terminé la seconde saison de Cosmos 1999, j’ai fait une ventilation comptable aussi complète que possible des coûts des effets spéciaux sans avoir eu aucune discussion au préalable avec la production, quand je reçus un appel de Gerry Anderson. Il me dit qu’il me faisait récupérer en voiture pour m’emmener chez Fox à la demande de Peter Beale afin de discuter des possibilités potentielles de merchandising pour Alien. Le lendemain matin, je me suis assis dans la limousine avec Gerry et il m’a demandé de lui résumer le scénario car il n’avait pas eu le temps de le lire. Donc, je lui ai fait un résumé, puis il m’a demandé quel serait le budget des effets spéciaux. Sur le moment, j’ai été surpris qu’il me le demande, mais je lui ai répondu « environ 1,25 million de livres ». Lorsque nous sommes arrivés à Soho Place, j’ai été présenté à Walter Hill, le réalisateur (de l’époque), et Gordon Carroll, le producteur, ainsi qu’à Dan O’Bannon, Ron Sushett et David Giler. Walter Hill m’a posé des questions au sujet de la séquence Chestburster et j’ai expliqué comment nous allions allonger Kane au-dessus de la table du réfectoire et couvrir son torse avec une fausse poitrine pour permettre au Chestburster de le perforer à travers le T-shirt. Puis, en plus, nous aspergerions le tout avec des pompes sanguines et des débris provenant des abattoirs. La réunion se passait assez bien quand, au moment où nous avons abordé le budget, Gerry Anderson s’est levé et a suggéré qu’il offrirait ses services en tant que producteur des effets spéciaux et qu’il les garantissait pour un coût total de 2,75 millions de livres. Peter Beale m’a alors jeté un coup d’œil comme s’il voulait dire « Attends Brian ! ». Et peu de temps après, la réunion prit fin. Le lendemain, je reçus un appel de Peter Beale pour dire que je commencerai à travailler sur Alien à une certaine date. Je lui précisai que j’avais déjà accepté de faire L’Empire contre-attaque à une date beaucoup plus tardive. Peter Beale me dit qu’il n’y avait pas de problème car c’étaient deux productions Fox, et qu’il se chargerait de négocier avec la production du Star Wars si jamais Alien prenait du retard. Ce qui fut le cas !

Vous êtes à l’origine de la création de la célèbre séquence de la perforation du torse du personnage de John Hurt.

La séquence du Chestburster était décrite dans le scénario, je devais juste m’assurer que cela soit bien horrible. J’avais précisé au réalisateur Walter Hill et à Brandywine Prods comment j’obtiendrais les résultats escomptés. Plus tard, quand Walter Hill quitta la production et fut remplacé par Ridley Scott et Ivor Powell, nous avons accepté leurs demandes afin d’obtenir le meilleur résultat possible. Mais mon plan préféré reste le petit alien se précipitant sur la table après être sorti de la poitrine béante de John Hurt.

Vous avez reçu votre premier Oscar pour Alien. Quels souvenirs avez-vous de cette soirée ?

Fox m’avait installé avec mon épouse Jennie dans le célèbre hôtel Beverley Wilshire. Une limousine nous a emmenés et nous avons rejoint environ 400 autres limousines, toutes se rendant à la salle des Oscars. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons été guidés sur le tapis rouge et nous avons rejoint le flux des stars du cinéma, le tout sous le feu des flashs des photographes. Bien évidemment, nous ne savions pas qu’Alien gagnerait, et lorsque j’ai dû monter sur la scène avec Nick, Dennis et Carlo je me suis retrouvé à faire la bise à la sublime Farah Fawcett Majors !

Vous avez travaillé sur le film La Grande Menace, dans lequel joue Lino Ventura.

C’était la première fois que je rencontrais le comédien Richard Burton. Il donnait l’impression d’éprouver beaucoup de plaisir à travailler sur ce film. En revanche, je n’ai pas eu la chance d’assister au tournage avec Lino Ventura. En ce qui concerne les effets-spéciaux, nous avions tourné la séquence où le 747 percute de plein fouet un gratte-ciel aux Studios Shepperton. La veille du tournage avec une caméra de prise de vue à grande vitesse, le producteur m’a appelé pour dire qu’il avait tellement confiance dans mon travail qu’il n’avait souscrit aucune assurance. Je peux vous dire que cette nuit-là, je n’ai pas fermé l’œil !

Affiche du film La Grande Menace
L’affiche du film La Grande Menace avec Lino Ventura.

Comment avez-vous rejoint l’équipe d’ILM et travaillé sur L’Empire contre-attaque ?

Je savais déjà que j’allais travailler sur ce que l’on appelait à l’époque Chapitre II. Peter Beale m’avait dit qu’Alien et L’Empire contre-attaque étaient des productions de la Fox et qu’il réglerait tous les problèmes. Alien a pris beaucoup plus de temps à être tourné que prévu. Et ce, en partie à cause du départ de Walter Hill mais aussi au fait que Ridley Scott avait des problèmes à obtenir tout ce qu’il souhaitait. À l’origine le comédien Jon Finch avait été engagé pour jouer le rôle de Kane, mais durant le moulage de son visage et de son torse, il a fait un coma diabétique. Nous avons dû le sortir du moule et l’emmener en urgence à l’hôpital. En conséquence, il a fallu trouver un nouvel acteur et ce fut John Hurt. Le décor de la plate-forme de communication du Nostromo fut abaissé en hauteur, car Ridley voulait que le lieu soit plus confiné. Tout cela a pris du temps. Tant de temps, qu’au final la plupart des décors de Shepperton ont été mis dans des camions et reconstruits aux Studios Bray, où nous étions en train de filmer les séquences avec les maquettes. Lucasfilm a finalement exigé que je sois libéré de cette production afin de pouvoir commencer à travailler sur L’Empire contre-attaque au Royaume-Uni et en Californie du Nord, à San Rafael à Marin County, nouveau lieu d’ILM Nord. Je crois que Ridley a dû penser que je l’avais laissé tomber, alors que j’ai vraiment essayé de rester sur Alien mais dans les dernières semaines, j’ai dû m’envoler pour San Francisco pour les aider à mettre en place ILM sur Kerner Blvd. Peter Beale avait fait de son mieux, mais le délai et les accords des sociétés de productions ne permirent pas une issue heureuse.

Dans quel studio étiez-vous installé pour L’Empire contre-attaque ?

Elstree dans le nord de Londres et chez ILM au nord de San Francisco.

Avez-vous souvent travaillé avec George Lucas et son producteur Gary Kurtz ?

Très souvent. Sur le tournage en extérieur à Finse en Norvège mais aussi à Elstree avec le réalisateur, Irvin Kershner, et durant la post-production, chez ILM.

Il y a une célèbre image de vous, entouré par sept R2-D2. Je suppose que vous étiez responsable d’eux ? Étiez-vous également en charge de fabriquer les nouveaux modèles avec la société White Horse ?

Les R2-D2 étaient ceux que j’avais finalement fabriqués à la White Horse Toy Company. Ce sont ceux construits par Francis Coates, qui était un sculpteur, expert du moulage. Tony Dyson était le gérant de cette société mais n’était absolument pas un technicien.

Célèbre photo de Brian Johnson au milieu des maquettes de R2.
Brian Johnson entouré de ses unités R2 dans son bureau dans les Studios d’Elstree. Photo © Lucasfilm Ltd.

Quelle était votre mission principale sur ce film ?

Ma mission était de mettre en place et d’opérer le département « Effets Spéciaux » des Studios d’Elstree en Angleterre. Je devais donc trouver toutes les caméras Vista Vision à 8 perforations, que je pouvais. Finalement, j’en ai trouvé sept, dans une boutique de photographie sur la côte sud de l’Angleterre qui était gérée par un ancien employé de chez Technicolor. Il n’en utilisait qu’une pour agrandir des photos de famille 35 mm. Il gardait les autres caméras dans son loft au-dessus de sa boutique. Elles étaient toutes magnifiquement enveloppées dans des chiffons imbibés d’huile afin d’éviter toute corrosion. J’ai lui ai acheté toutes ces caméras et les moteurs qui allaient avec pour environ 11 000 livres sterling et j’ai expédié le tout à ILM à San Rafael, en Californie, pour que Richard Edlund, un de mes co-superviseurs sur le film, et ses ingénieurs travaillent dessus. J’ai aussi commandé sept nouveaux R2-D2 en fibre de carbone époxy afin de modifier les R2-D2 originaux fabriqués pour le premier Star Wars, afin qu’ils soient plus légers, et de les modifier afin qu’il soit plus facile d’installer le système de radiocommande. J’ai aussi tourné tous les plans de séquence de vol pour l’arrivée sur la Cité des Nuages de Bespin. Pour cela, j’avais spécialement modifié un avion de modèle Learjet de la société Clay Lacy, et j’avais monté sur le nez de l’appareil une caméra 8 perf de chez Apogee.

Avez-vous également travaillé sur la séquence de Dagobah ?

J’ai tourné les séquences de R2-D2, et le monstre des marais de Dagobah, dans la piscine de George (Lucas) près de San Anselmo, en Californie. Le plan d’éjection de R2 du marais ayant, lui, été réalisé plus tard chez ILM en utilisant une coque de R2 allégée ainsi que de l’air comprimé au travers d’une membrane en silicone. L’effet de brouillard du marais a été réalisé grâce à de l’azote liquide.

Après L’Empire contre-attaque, vous avez de nouveau travaillé pour ILM sur Le Dragon du lac de feu de Matthew Robbins ?

Oui, car Matthew Robbins et Hal Barwood étaient les meilleurs amis de George (Lucas) et aussi de Spielberg. George avait négocié avec Paramount pour faire Les Aventuriers de l’arche perdue et il a obtenu de Paramount d’inclure Le Dragon du lac de feu dans le cadre de la négociation afin que Robbins réalise et Hal Barwood produise. Il ne faut pas oublier qu’ils avaient écrit le scénario de Sugarland Express pour Spielberg en 1974. Nous avons tourné le film à Pinewood et parce que le film est devenu une co-production de Disney-Paramount, nous avons fait appel à l’américain Danny Lee (ndlr : responsable des effets plateaux pour la Walt Disney Company) et son atelier afin de créer le dragon en taille réelle. Une fois terminé, ce dernier fut expédié au Royaume-Uni pour le tournage. Chez ILM, Phil Tippett et Jon Berg ont animé image par image la séquence emblématique avec le dragon s’échappant de son repaire rocheux et cela a abouti à une des meilleures séquences d’animation de créature qui a vraiment permis d’améliorer l’ensemble de ce film qu’il faut bien le dire, n’était pas très bien fait. La seconde équipe dirigée par Peter McDonald a tourné certains des magnifiques plans d’exposition sur l’île de Skye et dans la région de Snowdon au Pays de Galles. L’équipe principale fit pas mal d’erreurs et parfois dût tourner une seconde fois, voir une troisième fois. Un vrai cauchemar. J’ai pour ma part réalisé des plans avec la seconde équipe aux studios Disney à Burbank, en Californie, du dragon mourant dans le lac. Toutes les séquences volantes du dragon ont été tournées autour du mont Saint Helens, après l’éruption, et en utilisant, de nouveau, le Learjet d’Argyle Lacy.

Vous avez travaillé sur le dragon en taille réelle ?

Nous avons dû animer le dragon grandeur nature avec un système hydraulique car il était très lourd. La gueule du dragon était faite de caoutchouc hautement inflammable qui nous a causé des problèmes inédits. La roche montagneuse, qui faisait office de repaire du dragon, a été construit par l’équipe ILM Model Shop, dirigée par Lorne Peterson. C’était une fantastique équipe et un vrai plaisir de travailler avec Lorne, Steve Gawley, Mike Fulmer ainsi que tous les autres membres du département des maquettes d’ILM. L’équipe de maquettes d’ILM était la meilleure que j’aie jamais vue, notamment dans sa manière de donner un look sale et vieux aux maquettes.

Ici face à la tête de dragon à taille réelle du film Le Dragon du lac de feu.
Brian Johnson inspectant la tête dragon taille réelle sur le tournage du film Le Dragon du lac de feu. Photo © Paramount Pictures & Walt Disney Productions

Aviez-vous été contacté pour travailler sur Le Retour du Jedi ?

Non. C’est Kit West qui s’en est chargé.

Vous avez participé à L’Histoire sans fin de Wolfgang Petersen.

J’avais la charge de tous les effets spéciaux aux studios de la Bavaria. J’ai construit le plus grand écran bleu à double densité pour le hall de Neue Lampen, soit un écran de 30 mètres par 15. J’ai réalisé la séquence du repaire des loups et j’ai moulé Urgle et Engywouk (Sidney Bromley et Patricia Hayes). J’ai également construit le dragon Falkor et je l’ai animé en utilisant les fabuleux marionnettistes allemands du Théâtre de Munich. Mon équipe anglaise a également construit la tortue géante Morla, le mangeur de pierre, construit la plate-forme pour que le cheval du dresseur Tony Smart puisse couler dans le marais. J’ai aussi dirigé les séquences de vol que j’ai tournées en Californie et dans les États de l’Oregon et de Washington en utilisant le bombardier B-25 de la Seconde Guerre mondiale, appartenant à Disney, et piloté par Frank et Walter Pine. Les négatifs des effets spéciaux des studios de la Bavaria étaient manipulés par des étudiants et quand Art Repola (le responsable des effets spéciaux de chez Disney) fit son rapport sur les négatifs à ILM le constat fut consternant et honteux. Il n’avait jamais vu un négatif autant rayé de sa vie, causé par une bande d’amateurs. Ils avaient même réussi à laisser des cendres de cigarettes sur les parties des rouleaux ! Lorsque le négatif entier du film fut expédié à Technicolor Rome, nous avons failli perdre pratiquement l’ensemble du film, à la suite d’une erreur de manipulation avant que la copie finale du film soit tirée. Je tiens à remercier publiquement Wolfgang Lempp, Giuseppe Tortora et Robert Gordon Edwards pour avoir suivi le projet jusqu’au bout.

« Quand Aliens fut projeté et reçut de bonnes critiques, ce fut le temps des nominations pour les Oscars. Et là, à ma grande consternation, je n’ai pas été retenu ! J’ai alors découvert que Suzanne Benson, la gérante de L.A. Effects, avait été nommée à ma place. »

Comment avez-vous participé à Aliens, le retour de James Cameron ?

J’ai reçu un appel de la productrice Gale Anne Hurd qui souhaitait, avec James Cameron, me rencontrer aux studios de Pinewood. Le rendez-vous eu lieu sur les plateaux L & M, là-même, où nous avions tourné Cosmos 1999. Ils m’ont demandé si je voulais tourner les plans d’effets spéciaux avec les maquettes d’Aliens. J’ai bien entendu répondu « oui ». Ils m’avaient précisé que John Richardson serait en charge des effets sur le plateau. Puis, un peu plus tard, j’ai reçu un appel de Gale me disant que, finalement, Jim (Cameron) avait décidé d’utiliser la société L.A. Effects pour fabriquer les maquettes car Bob et Dennis Skotak avaient une grue pilotée par ordinateur ultra perfectionnée. Le syndicat anglais « ACTT Fx » a alors demandé à la production d’Aliens, pourquoi ils n’utilisaient pas une équipe anglaise et son matériel ? Ils ont répondu que le matériel au Royaume-Uni était obsolète et qu’ils avaient donc besoin d’avoir recours à l’équipe de Los Angeles. Je n’étais donc plus nécessaire. Mais, j’ai découvert que le président du syndicat « ACTT Fx », ayant donné son aval à la société « L.A. Effets », n’était autre que John Richardson (employé par L.A. Effects) ! Finalement, l’équipement de contrôle de mouvement est arrivé et il s’est avéré être une vieille caméra Mitchell 35 mm avec des moteurs fatigués. Rien à voir avec ce qui avait été promis ! Pendant ce temps-là, Bob et Dennis se sont lancés dans leur travail de maquette, mais les syndicats des studios de Pinewood leur rendaient la vie difficile et finalement, j’ai reçu un nouvel appel de Gale qui me demandait de revenir à Pinewood pour m’en occuper ! Jim m’a alors expliqué comment L.A. Effects les avait laissés tomber, en ne livrant pas le bon équipement Motion Control. Aussi avait-il décidé de laisser L.A. Effects repartir aux États-Unis. John Richardson continuait, lui, à faire les effets de plateaux et Bob et Dennis étaient restés mais avaient besoin d’un endroit pour continuer leur travail. J’ai suggéré de travailler avec le Studio Arkadon à Bourne End car Dennis Lowe et Nick Pollock y utilisaient une grue pilotée par ordinateur. Pat McClung a construit le vaisseau l’U.S.S. Sulaco, Bob et Dennis Skotak ont fait leurs trucs et nous avons tourné tous les plans requis, en temps et en heure. Une fois terminés, j’amenais les plans à Jim à Pinewood pour approbation. Je me suis aussi impliqué dans les séquences du vaisseau plongeant vers la planète et rentrant dans les nuages réalisés à base d’un système de rétroprojection. Quand Aliens fut projeté et reçut de bonnes critiques, ce fut le temps des nominations pour les Oscars. Et là, à ma grande consternation, je n’ai pas été retenu ! J’ai alors découvert que Suzanne Benson, la gérante de L.A. Effects, avait été nommée à ma place. Tout cela, au nez et à la barbe de Jim Cameron qui a tout fait pour que je sois réintégré dans cette nomination. En réalité, si L.A. Effects n’avait pas obtenu ce crédit, la production aurait dû payer des dommages et intérêts. C’est pourquoi Jim a fait écrire « Certain effects by L.A. Effects » dans le générique de fin. Peu de temps après, Jim et Gale m’ont offert un énorme cristal de chez Tiffany, qui est toujours au-dessus de ma cheminée. C’est un objet que je chéris énormément. Heureusement, la même année, j’ai reçu un BAFTA pour les meilleurs effets visuels. Ensuite, j’étais à Montréal en tant que responsable des effets spéciaux pour le film Highlander III, quand l’un des dirigeants de Panzer/Davis Productions a tenu à me montrer une bobine envoyée par la société L.A. Effects. Quand ils ont lancé la bobine, j’ai fait une découverte incroyable : les gens de L.A. Effects avaient utilisé, pour leur bande démo, tous les plans que j’avais tournés avec Arkadon Effets à Bourne End pour Aliens !

James Cameron a débuté dans les effets spéciaux travaillant pour des petites productions de la firme de Roger Corman. Avez-vous eu une relation spéciale avec James Cameron sur les effets d’Aliens ?

Il a tout fait dans les effets spéciaux, d’assistant au plus haut poste. Travailler avec Jim a vraiment été très amusant et à condition que vous écoutiez attentivement et que vous lui donniez ce qu’il souhaite. Mais, cela a été vraiment agréable de travailler avec lui, mais si on loupait quelque chose, il y avait alors du grabuge. 

Space Truckers de Stuart Gordon, était un petit film de science-fiction amusant, avec beaucoup d’effets spéciaux. Pouvez-vous nous en parler ?

Stuart aimait les têtes qui explosent. Le scénario était simpliste, mais amusant. Le concept de camions dans l’espace restant dans des voies désignées par des lumières pour montrer la voie était ridicule.

Quelle est votre maquette préférée de tous les Star Wars ?

Je les aime vraiment toutes.

Lors de la cérémonie des Oscars 1980.
Brian Johnson et Richard Edlund recevant leur Oscar pour L’Empire contre-attaque en 1980. Photo © DR

Que pensez-vous d’Hollywood aujourd’hui, qui se repose énormément sur les effets visuels numériques ?

C’est ainsi, car il faut visuellement améliorer la production. Cependant certains réalisateurs tombent dans le piège et font des mouvements de caméra excessifs. Même un enfant se rendrait compte que c’est impossible. Cela gâche le spectacle. Par exemple, dans le film Aviator, le film de Martin Scorsese, Leonardo DiCaprio (Howard Hughes) fait voler son avion vers la caméra. Cette manière de filmer n’étant pas réaliste, on devine facilement le trucage. À mon époque il n’y avait pas d’effets numériques. Depuis l’arrivée du CGI cela a été une révolution dans l’industrie cinématographique. Avant, c’était un enfer pour arriver à camoufler visuellement certains câbles à l’image. Aujourd’hui, c’est un coup de numérique et le tour est joué. Je pense que la bonne alchimie c’est mélanger le travail de maquettes et le CGI afin que l’œil humain ne sache plus vraiment reconnaitre le truc, ou les trucs. J’ai bien aimé qu’un réalisateur comme J.J. Abrams fasse de nouveau appel pour Star Wars : Le Réveil de la Force à des effets spéciaux classiques.

Vous n’avez jamais réalisé votre propre film ?

À plusieurs reprises on m’a offert des opportunités de réalisation, mais elles ont toutes échouées en raison d’un manque d’argent ou d’autres problèmes pratiques, et puis j’étais juste trop occupé à faire des effets spéciaux pour les autres. Mais effectivement, j’aurais dû le faire et je le regrette. Heureusement, aujourd’hui, je suis de l’autre côté de la barrière et en tant que membre de l’Académie, je reçois chaque année des DVD de tous les films qui sont considérés cette année-là. Alors je vois tout et j’en profite à 100 % car je n’ai pas travaillé sur ces films.

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