Le Rewind : AIR présenté par Olivier Cachin

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Mis à jour le 10 décembre 2021

Révélation française du milieu des années 1990 avec le morceau « Modular Mix », suivi d’une série de maxi singles, Air explose en 1998 avec son premier album Moon Safari… Et Le Rewind vous propose une plongée dans l’univers d’Air à travers 5 disques essentiels. C’est parti !

Début logique de ce Top 5 Son-Vidéo, Premiers Symptômes est un EP rassemblant les cinq premiers titres du duo, sous une pochette spectaculaire (pour le format vinyle en tout cas). Le duo formé par Nicolas Godin et Jean-Benoit Dunkel n’a pas encore de studio professionnel, et enregistre dans le salon de Nicolas. JB s’en souvient avec émotion : « On avait très peu de matériel, on était totalement inconnus, c’était une époque très spéciale ». « Modular Mix » est inspiré par l’architecte Le Corbusier, « Casanova 70 » lorgne du côté de la musique de films, « Le Soleil Est Près De Moi » aurait pu être chanté par Françoise Hardy… Bref, tous les éléments sont là pour l’explosion à venir, celle du fameux Moon Safari.

En effet, après cette impeccable mise en bouche, il est temps pour Air de se lancer dans ce fameux safari lunaire, un premier album spatial et inspiré. JB Dunkel se souvient de sa conception : « On commence par travailler de façon basique, avec des instruments traditionnels. La chanson vient après, ce sont les notes qui donnent les mots et l’émotion ». Décrite par Nicolas Godin comme « de la pop qui fait tripper », la musique d’Air est ici bien moins rythmique et abrasive que celle de leurs amis de la French Touch. La pochette conçue par le designer américain Mike Mills est étrange, et son ambiance se retrouvera dans le clip de « Sexy Boy », mélangeant film et animation. Le singe de la pochette du maxi devient le symbole d’un album novateur, entre eay listening et électronique soft, avec des vocaux de Beth Hirsch sur « All I Need » et « You Make It Easy », des arrangements de cordes signés David Whitaker enregistrés à Abbey Road, Jean-Jacques Perrey en guest… Bref, un disque luxueux en apparence, mais enregistré « dans un ancien studio désaffecté que nous avons réaménagé, et avec un huit pistes » racontait JB à l’époque. L’album sera couronné d’une Victoire de la Musique, mais dans la catégorie techno dance, insolite pour un groupe comme Air, mais la France du showbiz a toujours eu une relation compliquée avec la musique électronique. Avec plus d’un million d’albums vendus à travers le monde, Air s’impose comme le joker de la French Touch, avec des beats moins cardiaques que ceux de la techno, et l’élégance en plus… 

Après Virgin Suicides et 10.000 Hertz Legend, sur lequel on reviendra à la fin de ce Rewind, Air est de retour fin janvier 2004 avec son troisième album studio, Talkie Walkie. La finition de la production est assurée par Nigel Godrich, connu pour son travail avec Radiohead, et Michel Colombier vient lui aussi en fin d’enregistrement, pour les somptueux arrangements de cordes. Le disque est mieux reçu que son prédécesseur 10.000 Hertz Legend, le magazine anglais New Musical Express écrivant ceci : « Le disque est léger et aérien, bien sûr, mais il est aussi tendre et romantique, synthétique et plein de soul. Il sonne nouveau et différent, frais et zen, sans doute grâce à la décision prise par Godin et Dunkel de jouer et de programmer tous les instruments et d’enregistrer les voix du disque à Paris, sans assistance extérieure »

On notera la présence de la flûte enchantée de Magic Malik sur le single « Cherry Blossom Girl », seul guest musicien d’un disque plus intime mais très abouti, avec des singles superbes comme « Surfing On A Rocket » et « Alpha Beta Gaga », où l’on peut entendre le son délicat du shamisen, instrument traditionnel japonais à trois cordes. Deux femmes participent aux voix, Lisa Papineau sur « Surfing On A Rocket » et Jessica Banks sur « Cherry Blossom Girl ». 

Air est devenu un digne représentant à l’international de la qualité Made in France, et le duo reçoit la médaille de chevaliers des arts et des lettres, en même temps que Philippe « Zdar » Cerboneschi (RIP) et Dimitri From Paris. Mais il est déjà temps d’enregistrer le nouveau disque. Pour Pocket Symphony en 2007, Air convoque les chanteurs anglais Jarvis Cocker (ex Pulp) et Neil Hannon (The Divine Comedy), avec lesquels ils travaillèrent sur le premier album solo de Charlotte Gainsbourg 5 :55. C’est pourtant l’influence japonaise que l’on entend au hasard des douze chansons, Nicolas ayant pour l’occasion appris à jouer du koto et du shamisen. On retrouve « Magic » Malik Mezzadri sur deux morceaux, « Photograph » et « Once Upon A Time », ce dernier étant un des deux singles extraits de l’album, avec « Mer Du Japon ». « The Duelist », un bonus track inclus sur la piste Opendisc, un additif audio qui apparut brièvement sur format CD, invite Charlotte Gainsbourg et Jarvis Cocker, tandis que l’iTunes store propose quant à lui l’inédit « Crickets ». 

Cinquième et dernier album de cette sélection Rewind, 10.000 Hertz Legend est le second album studio du groupe, sorti après la BO de Virgin Suicides. C’est un disque audacieux, qui a déstabilisé une partie de la critique. Dans la presse anglaise notamment, le doute subsiste. Ainsi le quotidien The Guardian émet-il de sérieuses réserves sur ce projet « qui pourrait aussi bien être une démo des sessions du ‘Dark Side Of The Moon’ de Pink Floyd, le single ‘Radio #1’ étant représentatif du malaise généré par ce disque, (…) même si le charmant et plus funky “People In The City” démontre que les humanoïdes qui ont conçu ‘Sexy Boy’ n’ont pas été kidnappés par des extra-terrestres »

Pourtant, ce “réquisitoire contre la facilité et la nonchalance élevées en normes par tout un pan de la musique électronique”, comme l’écrivait JD Beauvallet en juin 2001 dans le magazine Les Inrockuptibles, est bien l’album de l’émancipation et de la réinvention pour Air. « À l’époque, on a voulu faire la musique la plus étrange possible avec le plus gros budget possible », explique en 2021 Nicolas Godin au journaliste américain Zane Lowe pour Apple Music. JB Dunkel précise la mentalité du duo après le succès planétaire du premier album : “On était un peu lassés de la promo Moon Safari, et on lisait souvent que certains jugeaient notre musique trop lounge, trop gentille, trop easy listening. Avec la BO de ‘Virgin Suicides’, on voulait plus de noirceur, plus d’agressivité, un son nouveau. Et je pense qu’on a suivi ce chemin avec ’10.000 Hertz Legend’ en produisant une musique avec plus de drums et plus d’orchestre »

Olivier Cachin lors des Air Days dans la salle de projection du magasin Son-Vidéo.com Paris EST – Champigny

L’ingénieur du son Gildas Lointier, qui a travaillé avec passion sur la version « Dolby Atmos » de ce disque sorti en 2001, nous explique le travail réalisé pour le vingtième anniversaire de ce disque unique : « Ils ont pris un virage par rapport à l’album précédent, pour ne pas se répéter. À l’époque, il y avait l’album des Daft, de Björk, des gros albums pop qui mélangeaient de l’électronique et de l’orchestre, et je pense qu’ils ont eu cette ambition. 

Moi j’ai commencé à travailler sur le projet en 2016. On a récupéré tous les masters, on a numérisé toutes les bandes de tous les formats analogiques et digitaux, c’était le début de l’enregistrement en direct to disc, beaucoup de travail. J’ai repris les notes de Julien Delfaux, l’ingénieur du son, pour avoir exactement le son de l’album de l’époque. J’ai connu un des ingénieurs qui a travaillé avec Air en 2001, Bruce Keen, que j’avais rencontré en 1991 au studio Guillaume Tell, et quand j’ai eu ce projet pour Warner j’ai pensé à lui. Il avait numérisé les maquettes sur ProTools, et il était parti aux États-Unis enregistrer avec l’ingénieur américain Brian Kehew. C’était une grosse production internationale, dans les plus grands studios dont Capitol, Hollywood Sound et Bomb Factory. Ils ont rencontré Brian Reitzell, le batteur de Beck, ils ont collaboré avec Beck (sur “The Vagabond” et “Don’t Be Light”, ndr), les équipes se sont formées, ils ont pris leur temps pour trouver un son et faire le plus bel album possible, selon leur idée. À eux deux, ils ont enregistré un orchestre, des cordes, une harpe, une chorale. Pendant ces enregistrements, il y a eu aussi des chambres d’écho enregistrées. Et pendant le mixage en 2001, ils n’avaient pas utilisé ces pistes-là parce qu’ils n’arrivaient pas à les intégrer au mix stéréo. En se replongeant dans ces prises, on les a réintégrées au format immersif. Ça donne une plus-value à l’enregistrement original. À l’époque, ils n’avaient pas exploité toutes les possibilités de l’acoustique du studio Capitol, il y avait trop d’informations en stéréo donc ils ont dû enlever ces infos de réverb’, et on les a réutilisées dans le mix Atmos, qui est un nouvel espace sonore. Pour la voix de l’intro sur “Radian”, ils avaient fait chanter une soliste, Barbara Cohen, ils l’ont pitchée, ils ont gravé un vinyle qu’ils ont détuné. C’est tout ce travail de création que j’ai pu comprendre grâce à Bruce. Un titre qui n’était pas sorti à l’époque a été réintégré à l’album, “The Way You Look Tonight”, qui a été mixé quelques mois après la sortie de l’album pour une édition japonaise. Alf Briat l’avait mixé à Plus 30 à l’époque, il a aussi collaboré à l’édition Atmos »

Une édition qui permet de redécouvrir une nouvelle jungle sonore et électronique, vingt ans après son enregistrement. Et une idéale conclusion pour ce Rewind aérien !

Olivier Cachin

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