AC/DC : Le Rewind présenté par Olivier Cachin

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Mis à jour le 6 mars 2023.

Du bruit, de la fureur électrique, des femmes nues, de l’outrage… Et un tueur à gages ??? AC/DC, c’est la folie, et ça fait maintenant cinq décennies que ça dure. En ce mois de février où l’on célèbre la Saint-Valentin, voilà que le Rewind célèbre les rois du bruit « aussie », les kings des décibels australiens, Angus Young et sa clique !

AC/DC – Dirty Deeds Done Dirt Cheap (1976)

Rewind 1, on est en 1976. AC/DC n’est pas exactement un groupe débutant, puisqu’ils ont déjà sorti deux albums l’année précédente, T.N.T. et High Voltage, des titres évocateurs qui contiennent des chansons puissantes, dont certaines deviendront des classiques de la scène, comme « She’s Got Balls » et « It’s A Long Way To The Top (If You Wanna Rock’n’Roll) ». Avec Dirty Deeds Done Dirt Cheap, que l’on pourrait traduire par « Des choses crados faites avec un petit budget », le quintette prend son envol vers la stratosphère du hard boogie. Il ne redescendra plus jamais. 

Deux éléments font la renommée d’AC/DC : la voix de stentor de Bon Scott et la guitare massue d’Angus Young.

Dès le morceau qui donne son titre à l’album en ouverture de la face A, on sent la puissance du son, parfaitement canalisée par les producteurs de ce mammouth électrique Harry Vanda & George Young, le second étant le frère aimé de Malcolm et Angus, ancien membre des Easybeats. Deux éléments vont faire la renommée de ce combo bourrin qui multiplie les concerts comme Jésus les petits pains : la voix de stentor de Bon Scott, vocaliste surpuissant, comme le veut l’orthodoxie du hard, mais aussi la guitare massue d’Angus Young, qui avec son frère assure les parties de six cordes.

En plus de son talent à marteler des riffs aussi simples qu’efficaces, il a trouvé un jeu de scène original. Déguisé en écolier avec short, casquette et cravate, il arpente la scène en agitant la tête et finit invariablement les concerts torse nu, montrant son postérieur au public à la fin du set. Simple et efficace. Après quelques décennies, Angus cessera de montrer son derrière et gardera sa culotte en montrant ce qu’il a sous le short. 

Les compositions sont aussi puissantes que les riffs : « Big Balls », « Rocker », l’incroyable « Problem Child », autant de futurs classiques. Le texte qui accompagne la réédition de ce disque est au niveau : « Pour les sales gosses blancs d’un certain âge, cet album était celui qu’on devait cacher à sa mère. Écouter Dirty Deeds Done Dirt Cheap était un rite de passage, un peu comme perdre sa virginité ». C’est clair, et ce n’était que le début.  

AC/DC – Powerage (1978)

Rewind 2, on s’installe dans le son à volume 11 avec Powerage, qui consacre en couverture la proéminence d’Angus, les mains remplacées par des câbles électriques, la gueule ouverte, prêt à assumer la « Rock’n’Roll Damnation » qui l’attend. On est un an après l’explosion punk, qui n’a guère eu d’effet sur les kangourous du boogie, dont la recette ne change pas d’un iota. Cliff Williams débarque à la basse, Vanda & Young sont pour la dernière fois aux commandes de la production et Bon Scott ne le sait pas, mais ce sera son avant-dernière participation à un album studio d’AC/DC. 

L’album Powerage est décrit comme « des rythmiques martelées qui vous défoncent les tympans comme les marteaux piqueurs défoncent l’asphalte ».

La presse rock est unanime et Rock & Folk, sous la plume de Philippe Lacoche, salue l’initiative : « Voilà au moins un groupe australien qui n’a pas peur de l’excès. Jouer hard, c’est jouer hard ! Pas de compromis. Et c’est bien de hard rock qu’il s’agit. Pas de heavy metal. (…) Du hard rock donc. Au bord de la caricature. Des rythmiques martelées qui vous défoncent les tympans comme les marteaux piqueurs défoncent l’asphalte. La batterie reste volontairement primaire, obsédante, métronomique. La basse épouse note par note les riffs du gratteur. Aucun égarement, aucune note à la quinte ou à la tierce. (…) En face de la plus mauvaise rythmique de jazz, celle d’AC/DC ressemble à un char d’assaut à côté d’une gazelle. Amis du swing, n’écoutez pas AC/DC, vous n’en trouverez pas une miette. Amis de défonce métallique, réjouissez-vous car c’est du rock brutal, haineux et hargneux. (…) AC/DC n’est pas fait pour les âmes sensibles et encore moins pour les esthètes. Juste bon pour les kids en manque de métal rugueux. La bande à Baader du hard rock »

Et il est vrai que sur des titres comme « Riff Raff » et « Gimme A Bullet », on sent cette puissance, ce refus de « faire joli » et cette quasi-absence de mélodie, un élément de décor absent remplacé par cet appétit pour les riffs géants, les envolées guitaristiques et les vocaux criés avec l’énergie (électrique) d’un chanteur unique. 

AC/DC – Highway To Hell (1979)

Rewind 3, l’autoroute en mode descente aux enfers avec l’album qui s’impose dans le Top 3 du groupe, aussi bien en termes de contenu que de succès commercial. Car Highway To Hell, produit par Robert John « Mutt » Lange, sera le plus gros carton du groupe période Bon Scott. L’arrivée de Mutt, jusqu’alors surtout connu pour avoir travaillé avec le groupe anglais new wave Boomtown Rats, est un élément décisif pour le groupe, qui a quitté Vanda & Yoiung et n’est pas arrivé à s’entendre avec Eddie Kramer, fameux producteur de Jimi Hendrix et Kiss, qui commença à enregistrer avec les Australiens sans résultat probant. Le travail de Mutt est si impressionnant qu’il rempilera pour les deux albums suivants, Back In Black et For Those About To Rock (We Salute You)

Véritable succès, Highwell to Hell s’impose dans le Top 3 du groupe AC/DC.

Highway To Hell s’ouvre avec la chanson qui lui donne son titre, un banger qui donne envie de secouer la nuque comme les fameux chiens jouets que l’on trouvait jadis sur la plage arrière des voitures. Le son est énorme, et cette fois la mélodie s’ajoute à l’efficacité de la composition, la transformant en tube radio. L’album se conclut avec une chanson terrible, « Night Prowler ».

Les paroles semblent évoquer un Serial Killer : « Too scared to turn your light out/ Cause there’s something on your mind/ Was that a noise outside the window ?/ What’s that shadow on the blind ?/ As you lie there naked/ Like a body in a tomb/ Suspended animation/ As I slip into your room » (Trop effrayée pour éteindre la lumière, car des pensées occupent ton esprit. Était-ce un bruit derrière la fenêtre ? Quelle est cette ombre derrière le rideau ? Tandis que tu es étendue nue tel un corps dans une tombe, en animation suspendue, voilà que je m’introduis dans ta chambre).

Bien, tout cela n’est que fiction. Seulement voilà : Richard Ramirez, un des plus fameux serial killers des années 1980 (surnom : The Night Stalker), a avoué une fois capturé qu’il écoutait cette chanson sur son autoradio avant de se livrer à ses mortelles agressions. La police a même affirmé qu’il portait un tee-shirt d’AC/DC lors d’une de ses exactions. Un bad buzz pour le groupe, qui dut subir bien malgré lui un boycott californien durant une longue période. Questionné sur ce morceau, le groupe a affirmé que les paroles évoquaient un garçon amoureux qui s’introduit dans la chambre de sa petite amie, et non d’un tueur. 

Quoi qu’il en soit, ce titre macabre placé en fin de face B est donc l’ultime témoignage vocal de Bon Scott, qui va mourir d’un coma éthylique, étouffé par son vomi à 33 ans le 19 février 1980 à l’arrière d’une Renault 5, peu après avoir passé du temps avec Bernie Bonvoisin et le groupe français Trust, qui était proche d’AC/DC dont ils avaient assuré la première partie de plusieurs de leurs concerts.

Les derniers mots de « The Night Prowler » étaient « Shazbot… Nanu nanu ! », une formule tirée de la sitcom Mork & Mindy dite par Robin Williams (Mork dans la série) et que l’on pourrait traduire par « Merde… Au revoir ! » Un au revoir en forme d’adieu, laissant le groupe sans son leader vocal. Mais comme on l’a su assez vite, ce n’était pour AC/DC qu’un épisode tragique qui n’a pas empêché Angus et ses acolytes de poursuivre leur œuvre : la même année va en effet sortir l’album le plus emblématique du groupe, qui a trouvé un nouveau chanteur. 

AC/DC – Back In Black (1980)

Et boum, Rewind 4, c’est le retour en noir, Back In Black, deuxième meilleure vente d’album au monde derrière Thriller de Michael Jackson, monument du hard rock. Brian Johnson, né à Newcastle (Angleterre), membre du groupe Geordie, n’a que 27 ans quand il s’impose au sein d’AC/DC, après des essais infructueux avec Allan Fryer, chanteur du groupe australien Heaven. Cinq mois après le décès de leur chanteur Bon Scott, Back In Black déboule, avec une pochette noire en hommage à son hurleur disparu. 

Encore un autre triomphe pour AC/DC qui revient en 1980 avec Back In Black, deuxième meilleure vente d’album au monde derrière Thriller de Michael Jackson.

Le triomphe sera total, sans appel, avec des dizaines de millions d’exemplaires écoulés au fil des décennies, culminant dans les années 20 à 50 millions de ventes. Lors de sa sortie, le succès est tel qu’il fait rentrer à nouveau dans les charts britanniques les trois précédents albums, Highway To Hell, If You Want Blood (You’ve Got It) et Let There Be Rock, faisant ainsi d’AC/DC le premier groupe depuis les Beatles à avoir quatre albums classés dans le Top 100 des charts anglais.

« Hells Bells », le second single, est un nouveau classique pour le gang d’Angus, et sera inclus dans le soundtrack du film de Stephen King Maximum Overdrive en 1986. La chanson « Back In Black », hommage à Bon Scott, est comme les neuf autres morceaux coécrit par Brian Johnson aux côtés des frères Young, preuve de son implication profonde et immédiate dans le groupe, dont il sera le chanteur immuable jusqu’aux années 20, avec une pause due à ses problèmes auditifs qui le verra remplacé par Axl Rose de Guns’N Roses pour une série de concerts en 2016 lors de la tournée Rock Or Bust, mais jamais en studio. 

Si le Gunner guitariste Slash s’est déclaré « époustouflé » par la prestation de son pote Axl lors des concerts avec AC/DC, Brian Johnson a avoué ne jamais avoir visionné les images de son remplaçant chantant avec AC/DC. Il a déclaré à l’époque à Ultimate Classic Rock : « On m’a dit qu’il faisait un excellent travail, mais je ne pouvais tout simplement pas regarder – surtout quand vous faites ça depuis 35 ans. C’est comme trouver un étranger dans votre maison, assis dans votre fauteuil préféré. Mais je ne suis pas rancunier. C’était une situation difficile, Angus et les gars ont fait ce qu’ils pensaient être nécessaire. Cela dit, après que le groupe a publié une déclaration confirmant que je quittais la tournée et me souhaitant le meilleur pour l’avenir, je n’ai pas pu me détendre ou me concentrer sur autre chose ».

AC/DC – PWR/UP (2020)

Rewind 5. 2014 a été une année dure pour le groupe, et aussi pour son batteur Phil Rudd, soupçonné d’avoir commandité un tueur à gages pour assassiner deux hommes en Nouvelle-Zélande. Phil, viré du groupe en 1983 à cause de son comportement jugé ingérable par le groupe, était revenu en 1994. Il a 60 ans lorsqu’il est arrêté au petit matin par la police néo-zélandaise chez lui à Tauranga, sur l’ile nord de l’archipel. Il sera finalement innocenté, et participera à l’enregistrement de PWR/UP, l’ultime album d’AC/DC. 

AC/DC revient en 2020 avec l’album PWR/UP qui atteint la pole position du Billboard 200 américain avec plus de 117.000 exemplaires vendus la première semaine

« On arrêtera quand on sera tous morts », affirmait Angus Young lors de la promo française de l’album Rock Or Bust. Il faudra attendre six ans pour entendre le successeur de Rock Or Bust, qui va débarquer à un moment crucial pour le groupe. En effet, le groupe avait annoncé en 2014 via un communiqué que Malcolm ne sera plus présent sur scène :

« Après quarante ans de vie dédiée à AC/DC, le guitariste et fondateur du groupe Malcolm Young a décidé de faire une pause au regard de ses soucis de santé. Malcolm souhaite remercier les légions de fans purs et durs à travers le monde pour leur indéfectible amour et soutien. À la lumière de cette nouvelle, AC/DC demande que la vie privée de Malcolm et de sa famille soit respectée pendant cette période. Le groupe continuera à faire de la musique ».

Et la mort a frappé une nouvelle fois : Malcolm Young, 64 ans, décède des suites de multiples facteurs. Cancer du poumon, AVC, trouble cardiaque, démence : Malcolm multipliait les signaux d’alerte, et la tragique conclusion a fini par arriver le 18 novembre 2017. Trois ans plus tard, l’année du quarantième anniversaire de la mort du chanteur Bon Scott, le groupe sort dans la douleur un nouvel album, Power Up (orthographié PWR/UP). Et la légion de fans répond présent. Dès la première semaine de sa sortie, Power Up domine les charts, atteignant la première place dans 18 pays dont la France.

L’album a atteint la pole position du Billboard 200 américain avec plus de 117.000 exemplaires vendus la première semaine, un record en ces temps difficiles pour le rock. L’édition américaine de Rolling Stone résumait en une phrase ce que bon nombre de fans ont pensé à la première écoute : « Les héros du hard rock restent fidèles à eux-mêmes sur leur meilleur album depuis trente ans ».  

L’animateur et producteur radio Francis Zégut reste prudent : « C’est l’histoire qui nous dira si c’est un bon ou un très bon album. Ça se transmet de génération en génération, comme une histoire de famille. La vraie question, c’est la scène. Reverra-t-on AC/DC, les Stones et tous les groupes d’un certain âge sur scène ? Dans 2 ans, est-ce que Brian Johnson, qui aura 74 ans, pourra toujours chanter, Angus bouger, Keith Richards se relever sans l’aide d’un roadie ? On a vécu le Golden Age et on est en train de voir partir tous ces mecs qu’on a aimé sans qu’ils soient remplacés par quelque chose d’équivalent. La musique a pris un chemin parallèle, il n’y a plus de programmes live à la télé, tout ça c’est fini, c’est formaté. On n’aura plus de groupes comme AC/DC. Je ne veux pas jouer les vieux cons mais en voyant ça, on peut se dire que c’était mieux avant »

De « Realize » à « Code Red », ce nouvel exemple de la puissance d’AC/DC est clairement du vintage Acca Dacca, comme disent les Australiens, avec cette douce lourdeur des riffs et ce son qui déboule comme un taureau, sans fioritures. Là où Back In Black était l’eulogie pour Bon Scott qui venait de mourir, Power Up est l’hommage à Malcolm Young. Les paroles sont minimales sur « Wild Reputation », apocalyptiques sur « Systems Down » (« Non apprivoisé comme un tigre qui cherche à bouffer/ Mieux vaut ne pas jouer quand la terre tremble sous tes pieds »), sexuelles sur « Money Shot ». 

Nul besoin de chercher un second degré ou un sens caché aux lyrics, bruts de décoffrage et hors du temps, loin de l’ère #MeToo sur « Rejection » (« You better give me what I want or I’ll bleed on you »). PWR/UP n’est ni une révolution, ni une nouvelle étape sonore, c’est juste le 17ème disque d’un crew qui a survécu aux aléas du temps et propose une recette qui ne se préoccupe pas du futur mais garde les deux pieds dans la tradition de ce rock dur auquel Angus et son clan ont été fidèle depuis High Voltage, le premier LP sorti en 1975. 

45 ans et 200 millions d’albums plus tard, le son AC/DC est toujours là. « C’est ça qu’on cherche », conclut Angus, « que quelqu’un pose le disque sur la platine et se dise dès la première mesure “Voilà, ça c’est eux. Il y a des tonnes de copies, mais personne comme eux” ». Ce fut aussi l’occasion de mettre une nouvelle fois AC/DC en couverture de Rock & Folk avec un titre hilarant (merci Philippe Manœuvre) : « Marche ou crève ! Démence, drogue, prison : Le toujours difficile 17ème album ». Seul Lucifer sait s’il y en aura un 18ème, mais la carrière des frères Young et de sa cohorte électrique est de toutes les façons entrée dans l’histoire du rock. Dirty Deeds indeed.

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