Le Rewind : The Beatles présenté par Olivier Cachin

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Mis à jour le 15 février 2022

Jamais plus dans l’histoire de la pop music un groupe n’aura l’importance des Beatles. Les quatre garçons dans le vent sont devenus des icônes au fil des décennies, et résumer leur carrière en cinq albums équivaut à faire l’impasse sur les huit autres albums studio de John, Paul, George et Ringo. Mais le Rewind en a vu d’autres, donc go en 1966 avec Revolver

Cet album crucial sorti en août 1966, huit mois après Rubber Soul, s’ouvre avec une des (rares) compositions de George Harrison, « Taxman », le premier texte politique du quatuor. En verve, le guitariste aura droit à deux autres compositions, « Love You To » et « I Want To Tell You ». La pochette est un dessin de Klaus Voorman, le bassiste de Manfred Mann qui connait les Beatles depuis leurs débuts allemands à Hambourg, il a même vécu à Londres avec George et Ringo après que Paul et John soient partis vivre avec leurs compagnes respectives, Linda et Yoko. S’il n’a jamais joué avec les Beatles, Klaus participera à plusieurs albums solo de trois des Beatles (John, George et Ringo). 

La période est agitée pour ceux qui sont devenus des superstars, déjà considérés comme « le groupe le plus influent de l’histoire de la pop », une couronne lourde à porter. C’est l’époque du scandale de la compile Yesterday & Today dont la pochette montre les Beatles en blouses de bouchers avec des poupées démembrées et quelques morceaux de viande. Une blague de potache pour un disque compilation sans intérêt, mais que l’arrêt de la production transformera en ultime collector, dont un exemplaire original neuf sera vendu plus de 10.000 dollars en 2005. 

John Lennon fait un scandale avec sa petite phrase affirmant que les Beatles sont « plus populaires que Jésus », amenant des protestations du KKK et du Vatican. Lennon en rajoute une couche dans ses excuses : « Si j’avais dit que la télé était plus popu que Jésus, ça serait passé »

L’enregistrement est d’abord programmé aux studios Stax de Memphis, puis à ceux de Motown à Detroit, d’Atlantic à New York, mais c’est finalement à Londres, chez EMI, que sera gravé ce nouveau tournant de leur carrière. 

« Tomorrow Never Knows », dont les lyrics sont écrits par Lennon tire son inspiration d’un livre de Timothy Leary, le pape de l’acide. 

« Eleanor Rigby », un des titres les plus émouvants, est écrit avec un octuor, huit musiciens jouant des cordes, et doit beaucoup à la BO de Psychose d’Hitchcock, dont les cordes sinistres et somptueuses sont l’œuvre de Bernard Herrmann. Entré dans les charts anglaises à la première place, Revolver y restera sept semaines, et sera numéro un américain six semaines. 

Le Rewind, part two : Moins d’un an après le coup de feu de Revolver, c’est l’album le plus emblématique du groupe qui sort, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, un pas de plus vers ce psychédélisme qui devient le mot-clé de la pop culture des sixties. Une phrase de Sir George Martin, producteur historique du groupe, résume bien la créativité folle de cet album : « Les Beatles avaient décidément une curiosité sans fin et du coup voulaient faire quelque chose de différent ». Pour l’époque, l’enregistrement a été d’une longueur inhabituelle, 129 jours, de novembre 1966 à avril 1967. On sortait tout juste d’une époque où faire un album consistait à jouer en studio une série de chansons, avec un ingénieur du son qui les mettait sur bande. Là, on entre dans une nouvelle ère, où le studio et ses artifices sont les éléments clé du processus créatif, au même titre que les compositions et leur interprétation par les musiciens. L’ingé Geoff Emerick : « Les sonorités étaient distordues, limitées, lourdement compressées ou exagérément équalisés. On avait placé des micros partout, jusque dans les cuivres, et on avait mis des enceintes transformées en micros sur les violons. On a également mis des tonnes d’écho sur les voix avant de les faire transiter par un ampli Leslie. On avait des oscillateurs de la première génération pour modifier la vitesse des instruments et des vocaux, et on jouait certaines bandes magnétiques à l’envers ». Un travail de titan… Mais avec pour capter toute cette magnificence sonore un simple quatre pistes dont ne voudrait pas aujourd’hui un groupe débutant pour faire ses maquettes. 

On retrouve Ringo aux vocaux sur « With A Little Help From My Friends », tandis que John se charge de « A Day In The Life », considéré par certains comme l’un des meilleurs morceaux du quatuor, sinon le meilleur. « Lucy In The Sky With Diamonds », soit l’acronyme de LSD, fut perçu comme une illustration de l’appétence nouvelle de Paul pour les drogues psychédéliques, mais Macca prétendit contre toute vraisemblance que non, il avait simplement pris un dessin de son fils Julian comme inspiration pour cette chanson, qui fut reprise notamment par Elton John, Bono, William « Captain Kirk » Shatner, Nathalie Cole et Cheap Trick. 

« When I’m 64 », écrit par Paul à 14 ans, pitche la voix du bassiste pour lui donner une texture plus jeune. « Lovely Rita » est une déclaration d’amour à une pervenche (Paul est-il donc un masochiste qui aime se faire mettre à l’amende par une contractuelle ?) et « Within You Without You » remet George à l’honneur, dans une ambiance psyché folle qui colle avec l’enregistrement, durant lequel le studio fut redécoré avec lava lampes, tubes fluos et stroboscope.

Enfin, après le dernier titre de la face B, on entend des bruits et des voix sur le sillon final, avec un ultra son perceptible uniquement par les chiens. « Pour les embêter » selon John Lennon, d’humeur facétieuse.

Fun Fact : L’album fut repris dans son intégralité en version reggae par le groupe Easy Star All-Stars en 2009 sous le titre Easy Star Lonely Hearts Dub Band. Une habitude pour ce groupe étonnant qui fit également une version dub du classique de Pink Floyd rebaptisé Dub Side Of The Moon et un disque de reprises de Radiohead intitulé Radiodread

Rewind 3, l’album de toutes les rumeurs, un double vinyle éponyme souvent surnommé « Double Blanc » pour des raisons assez évidentes. 19 des 30 morceaux ont été écrits durant un séjour de méditation en Inde. « Dear Prudence » doit son titre à la sœur de l’actrice Mia Farrow, Prudence Farrow, qui n’a pratiquement pas quitté sa chambre durant son séjour méditatif. C’est durant l’enregistrement de ce disque solide que les « différences irréconciliables », comme on dit en langue de bois showbiz, sont apparues, majoritairement dues à l’omniprésence de Yoko Ono, qui brise la règle tacite et machiste établissant que comme sur un bateau, une femme ne doit pas être en studio avec le groupe. « Everybody’s Got Something to Hide Except Me and My Monkey » de Lennon évoque d’ailleurs en creux la méfiance des autres Beatles par rapport à Yoko. Ringo quittera les sessions d’enregistrement pendant deux semaines en août 1968, et l’ingénieur du son Geoff Emerick fera de même, en plein milieu d’un enregistrement. 

C’est avec ce disque que les Beatles commencent à travailler avec une console huit pistes, pour la chanson « While My Guitar Gently Weeps ». « Piggies », un titre de George Harrison, est une référence directe au fameux roman de George Orwell « Animal Farm », et nécessita onze prises pour être finalisé. 

« Helter Skelter », le titre le plus sulfureux, est considéré comme un des premiers ancêtres du heavy metal. Paul l’a composé après avoir lu une interview de Pete Townsend, le guitariste des Who, disant que « I Can See For Miles » était le titre le plus lourd de l’histoire du rock, et Macca voulut montrer qu’il n’est pas que le gentil bassiste au doux sourire, mais qu’il était aussi capable de faire du boucan. Le tueur détraqué Charles Manson y vit une prophétie apocalyptique, et une de ses adeptes écrivit le titre de la chanson avec du sang sur le frigo de la maison de Sharon Tate, lors du tristement célèbre raid du culte Manson dans la demeure de Roman Polanski (absent ce soir-là) et de sa femme. Manson demanda à John Lennon d’assister au procès, mais il refusa en disant qu’il n’a pas écrit la chanson. Ce morceau maudit fut repris par Siouxsie & The Banshees, Aerosmith, U2, Mötley Crew, Oasis et Marilyn Manson avec Rob Zombie.

Enregistré en stéréo et en mono, doté d’un visuel plus sage que celui de Sgt. Pepper, post moderne et numéroté pour la première édition, ce double album fut plutôt bien reçu, même si une partie de la critique, en cette année turbulente et politisée à l’extrême, déplora des chansons trop légères. Ce qui ne l’empêcha bien sûr pas de rencontrer un immense succès populaire et d’être certifié 24 fois platine. 

Et on en arrive à Abbey Road, le commencement de la fin. L’avant-dernier album des Beatles sorti le 26 septembre 1969, avec une des pochettes les plus iconiques de l’histoire du rock, et qui sera un argument de plus dans la légende selon laquelle Paul serait mort et aurait été remplacé par un clone. 

La présence de Yoko est devenue un Casus Belli au sein du groupe. Pourtant, quand John et Yoko ont un accident de voiture obligeant Yoko à rester alitée, Lennon installe un lit d’hôpital dans le studio. On imagine la réaction de ses trois camarades… 

« Come Together », écrit par Lennon à l’origine pour la campagne de Timothy Leary, qui se présentait au poste de gouverneur contre Ronald Reagan, ouvre l’album en fanfare. 

Durant toute la carrière des Beatles, Ringo Starr n’a écrit que deux chansons, dont une est ici incluse, « Octopus’s Garden », qu’il interprète. L’idée lui est venue lors d’un voyage en Sardaigne sur le bateau de l’acteur Peter Sellers, durant lequel Ringo goûte du poulpe pour la première fois. 

Parmi les invités, on notera la présence de l’organiste Billy Preston sur deux titres, « Something » et « I Want You (She’s So Heavy) ». Deux ans après Abbey Road sortira d’ailleurs son album Encouraging Words, entièrement produit par George Harrison, sur lequel on trouve la première version de son hit « My Sweet Lord ». 

Le justement nommé « The End » sera le dernier enregistrement en commun des quatre Beatles, avec en prime un rare solo de batterie de Ringo Starr. Il marque la fin de la seconde face. La fin ? Presque : « Her Majesty » est un titre de 23 secondes qui apparait après 14 secondes de silence, devenant ainsi officiellement le premier « morceau caché » de l’histoire du disque. Quelques années après cet album qui, comme presque tous les autres, sera un gros succès, EMI Recording Studios changera son nom en Abbey Road. L’endroit est devenu un des rendez-vous londoniens des fans, qui régulièrement bravent la circulation pour se prendre en photo dans la posture des quatre Beatles, sur le passage piéton qui longe les studios. 

Rewind 5 : Voilà, c’est fini. Le groupe s’est déjà officiellement séparé quand sort Let It Be le 8 mai 1970. Cette fois, la production, luxueuse, est signée Phil Spector, le concepteur du « mur du son », que Macca effacera pour une version « naked » plus dépouillée que certains n’hésiteront pas à considérer comme révisionniste. « Across The Universe », dont la première mouture date de 1968, est du pur Lennon, qui accusa McCartney de saboter volontairement sa composition et d’avoir bâclé l’enregistrement. La version Naked de ce titre supprimera tous les arrangements orchestraux de Spector, ainsi que le piano joué par Paul. Le titre le plus spectorien de l’album est sans conteste « The Long And Winding Road », auquel le producteur gonzo a rajouté un orchestre et des chœurs. Ce fut le dernier numéro 1 américain du groupe en juin 1970. 

Billy Preston est à nouveau invité, cette fois sur « Get Back », le dernier titre de la face B, crédité sur la version single sortie en 1969 « The Beatles & Billy Preston ». 

Pour la septième année consécutive, les Beatles sont numéro 1 avec la chanson « Let It Be », égalant ainsi le record établi par Elvis Presley. En 2021, Peter Jackson signera le documentaire The Beatles : Get Back, prévu pour sortir au cinéma en 2020 pour le 50ème anniversaire de l’album mais finalement repoussé et diffusé en streaming sur Disney +. On y voit des images inédites magnifiques, même si certains reprocheront au projet de trop gommer les divergences entre les musiciens pour se concentrer sur les points positifs. That’s entertainment

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1 commentaire

  1. Bonjour, belle revue pour un groupe dont je suis fan depuis des lustres ! Vous pouvez me contacter si vous aimez les Beatles et souhaitez découvrir des raretés audio et vidéo
    A bientôt
    Régis

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