Le Rewind : The Clash présenté par Olivier Cachin

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Mis à jour le 22 février 2022

Ils ont été l’âme du punk politique, et de sacrés innovateurs du rock. Leur carrière fut (trop) brève, mais marqua à jamais la musique britannique. Donc ladies & gentlemen, veuillez accueillir dans ce Rewind Joe Strummer, Mick Jones, Paul Simonon et Topper Headon… The Clash !

Premier épisode, premier album : The Clash, sorti en 1977, annonce la couleur avec des hymnes taillées pour la scène. « I’m So Bored With The USA » fait partie des titres forts, et rétrospectivement ne manque pas d’humour puisque les Clash iront malgré tout faire une tournée américaine et seront produits par le très ricain Sandy Pearlman sur le second album Give’em Enough Rope. Le morceau le plus bref et le plus énervé du disque est sans conteste « White Riot », qui fera grincer des dents quelques critiques grincheux. Selon une tradition bien établie durant les seventies, tous les singles n’apparaissent pas sur les albums, et l’auditeur est ici privé de « 1977 » et de son fameux refrain vengeur « No more Beatles, Elvis or Rolling Stones in 1977 »

Les concerts sont tendus, nerveux, le groupe compense ses lacunes instrumentales par une vitesse d’exécution qui réjouit le public punk. La photo au verso de l’album, des bobbies anglais pourchassant des manifestants, est reproduite sur une toile derrière le groupe. On trouve un parfait exemple de cette première tournée sur le bootleg White Riot Tour 1977, douze titres interprétés tambour battant à Leicester le samedi 28 mai. Leur reprise de « Police And Thieves », superbe morceau chanté par Junior Murvin et produit par Lee « Scratch » Perry, est ici joué encore plus vite que sur l’album. Dès les débuts, on sait grâce à cette reprise reggae inattendue que The Clash ira plus loin que le simple outrage punkoïde. 

Rewind 2, le toujours difficile second album. Le titre de travail, qui sera vite abandonné, montre que le groupe a de la suite dans les idées : Rent A Riot (louez une émeute) s’intitulera donc finalement Give’em Enough Rope. Les fans restent perplexes face au choix artistique des Clash, qui débauchent le producteur Sandy Pearlman, connu pour son travail sur les album du groupe de heavy metal Blue Oÿster Cult. Le résultat ? Un album mal aimé lors de sa sortie, avec un son de batterie distant et une propreté dans les arrangements qui tranche avec l’urgence du premier disque. Les bons morceaux ne manquent pourtant pas : « Safe European Home », qui ouvre le bal, est dominé par un riff nerveux et la voix de Joe a pris de l’ampleur. « English Civil War », une chanson militaire traditionnelle, est revue et corrigée pour devenir du pur Clash. 

L’album sort le 10 novembre 1978, deux mois après le décès de Keith Moon, au moment où Jim Jones et 918 illuminés adeptes de son culte morbide se donnent la mort à Jonestown. La sophistication du son n’est pas due qu’à Sandy Pearlman : Mick Jones, selon plusieurs témoignages concordants, a enregistré énormément de pistes de guitares. Le journaliste Kris Needs, auteur d’un livre sur le groupe, a écrit : « Une grande partie de la complexité de l’album est le résultat du travail de Mick, qui a overdubbé des couches et des couches de guitares ». Greil Marcus écrivit dans Rolling Stone que ce disque était « du punk anglais basique avec un regard vers le futur ».

C’est clairement l’album le plus critiqué de la discographie des Clash (Cut The Crap étant évidemment pire, mais n’est même pas considéré comme un « vrai » album des Clash) et à ce jour, on trouve sur les forums des discussions passionnés sur la validité de morceaux tels que « Julie’s Been Working For The Drug Squad », qui évoque le démantèlement d’une fabrique de LSD au Pays de Galle, et le plutôt réussi « Tommy Gun ». « Guns On The Roof » raconte un incident avec la police, qui débarqua après que le groupe se soit amusé à tirer sur des pigeons avec des pistolets. Enfin, même s’il n’est pas inclus sur l’album, rappelons que c’est durant les sessions de Give’em Enough Rope que le groupe a enregistré « (White Man) In Hammersmith Palais », considéré comme une de leurs meilleures compositions. 

Rewind 3, et on passe au classique ultime, sans conteste le meilleur album jamais enregistré par les Clash, London Calling. Déjà, il y a cette pochette. Paul Simonon fracassant sa basse, une photo signée Pennie Smith… Floue. Spécialiste du noir et blanc, Pennie a commencé avec Led Zeppelin, dont elle a shooté une tournée au début des seventies. Surprise par le choix du groupe, Pennie refusa d’abord, mais fut convaincue par Joe Strummer, et elle a eu raison de lui faire confiance : En 2002, le magazine anglais Q consacrait cette couverture iconique comme « meilleure photo rock & roll de tous les temps ». Simonon a plus tard expliqué que s’il avait brisé sa basse, c’était de rage, en apprenant que les videurs du Palladium, la salle new-yorkaise dans laquelle ils jouaient, refusait que les spectateurs se lèvent de leurs sièges. Les fans du King auront noté la référence graphique à Elvis, le nom « London Calling » en couleurs rose et vert évoquant la fameuse couverture de son premier album. En 1995, Mick Jones reprendra ces codes couleurs pour F-Punk, dernier album de son groupe Big Audio Dynamite. 

Et les chansons ? Que du bon, du très bon même : La chanson-titre est entrée dans l’histoire du rock, tout comme « Guns Of Brixton », rare composition de Paul Simonon, dont la ligne de basse sera plus tard reprise par Fatboy Slim pour son single « Dub Be Good To Me ». « Brand New Cadillac » est une cover de la chanson de Vince Taylor, car comme l’écrivait le critique français Alain Pacadis en 1979, « Les Clash ont toujours eu une grande admiration pour les losers ». Le ska fait son apparition avec « Rudie Can’t Fail », un titre donné en référence aux lyrics de « 007 (Shanty Town) », un single du chanteur Desmond Dekker, et confirme le goût du groupe pour les rythmes jamaïcains. Mick Jones chante « Lost In The Supermarket », « Clampdown » est une attaque en règle contre le capitalisme et ses ravages sur la classe ouvrière. Une lutte importante pour Joe Strummer et ses acolytes, qui obtiennent après une âpre lutte avec CBS que ce double album soit vendu au prix d’un simple. Mais la suite sera une autre dure lutte, puisque l’album à venir sera un triple vinyle !

Rewind 4, et c’est Sandinista !, paru en décembre 1980. Une folie splendide, l’affirmation d’un éclectisme qui s’entend dès le premier titre de la face A, « The Magnificent Seven », un rap frénétique qui inspira Chagrin D’Amour pour son « Chacun Fait C’Qui Lui Plait » et qui est principalement l’œuvre de Mick Jones, fasciné par cette musique qui vient de connaitre son premier hit mondial, « Rappers’ Delight » de Sugarhill Gang. Ce n’est pas Paul Simonon qui tient la basse sur ce titre, mais le bassiste des Blockheads (le groupe de Ian Dury), Norman Watt-Roy. L’absence de Paul Simonon sur ce titre, et sur d’autres de l’album, s’explique par l’engagement de ce dernier pour le tournage d’un film au Canada. Autre rap à la sauce Clash, « Ivan Meets GI Joe », récit d’une apocalypse nucléaire sur un tempo disco suite au combat épique entre les USA et l’URSS.

« Seuls les braves réussissent à se taper la face 6 », fanfaronnait Joe Strummer à l’époque de la sortie. De fait, les fans furent un peu décontenancés par la variété et la longueur de ce disque que le temps a réévalué : Du dub au disco, du hip-hop à la chanson irlandaise, cette sélection de 36 morceaux contient des gemmes telles que « Hitsville U. K. » (avec la chanteuse Ellen Foley), qui name droppe le nom de quelques labels indépendants anglais dont Rough Trade et Factory Records. Album de toutes les audaces, Sandinista ! s’impose comme une œuvre majeure et avant-gardiste, 2h24 de musique, soit quatre fois plus que les 35 minutes furieuses du premier album. Le disque suivant sera beaucoup, beaucoup plus conventionnel, puisque Combat Rock est un album simple, et contient les deux plus gros tubes du groupe, « Should I Stay Or Should I Go » (utilisé pour une publicité des jeans Levi’s) et « Rock The Casbah », leur seul et unique Top 10 américain. 

On passe donc au Rewind 5, et c’est un mini album titré Black Market Clash, dont la première édition sortie en 1980 compte 9 morceaux. Il s’agit des faces B et des singles inédits (« Jail Guitar Doors », « The City Of The Dead », la reprise du classique de Toots & The Maytals « Pressure Drop »). Ce EP format 10’ a servi de transition entre London Calling et Sandinista !, avec en special guest le toaster jamaïcain Mikey Dread, qui chante sur « Bankrobber/Robber Dub », qu’il a coécrit. Treize ans plus tard, Super Black Market Clash triple le score avec 25 morceaux sur six faces, ajoutant aux 9 compositions de la première version des titres comme « The Magnificent Dance » (l’instrumental de « The Magnificent Seven »), « The Cool Out » (une version laidback de « The Call Up ») et quelques autres curiosités. Ce triple 10’ est comme un pont entre toutes les époques de Clash, depuis les débuts abrasifs avec le single vénère « 1977 » jusqu’aux expérimentations club avec « Mustapha Dance ». Les années 1980 seront celles du succès commercial, des luttes intestines (Mick Jones a été viré par Joe Strummer et n’apparait pas sur le très faible Cut The Crap) et de l’inévitable dissolution du groupe. Joe tournera un temps avec son groupe les Mescaleros, Paul Simonon offrira ses services à Damon Albarn pour le super groupe The Good, The Bad & The Queen tandis que Topper Headon luttera contre son addiction et alternera jobs alimentaires (il fut chauffeur de minicab à Londres) et groupes éphémères, dont Samurai avec le guitariste corse Henry Padovani. Et Mick Jones ? Il est le bonus de ce Rewind !

Oui, Rewind 5 bis, avec le combo électro disco funko hip-hop Big Audio Dynamite. Après son expulsion par Joe, Mick rejoint General Public, qui compte dans ses rangs deux ex-The Beat, deux ex-Dexy’s Midnight Runners et le bassiste des Specials Horace Panther. Mais c’est avec B. A. D. qu’il fera carrière, sortant neuf albums entre 1985 et 1997, dont ce Tighten Up Vol. 88 dont la couverture est une peinture de Paul Simonon. Un album dont la richesse musicale et la diversité rappellent le Clash de la grande époque, avec parmi ses musiciens Don Letts, qui documenta la scène punk en photo et en vidéo et forma le groupe Screaming Target. 

Le 22 décembre 2002, tous les espoirs d’une reformation des Clash disparaissent avec la mort tragique et prématurée de Joe Strummer à l’âge de 50 ans suite à une crise cardiaque provoquée par une anomalie non détectée auparavant : Son cœur était trop grand. Ça ne s’invente pas. 

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