Toy:Box, le coffre à jouets de David Bowie

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Mis à jour le 27 janvier 2022

Deux mois après la sortie du coffret Brilliant Adventure, David Bowie est de retour dans l’actualité discographique le 7 janvier avec Toy (Toy:Box), un triple recueil dédié à l’album inédit Toy, enregistré — puis annulé — en 2001.

Disponible en versions 3 CD, 6 vinyles 25 cm et édition digitale, ce concept-album propose les mises à jour d’une sélection de chansons de David Bowie essentiellement créées entre 1965 et 1971. Tour d’horizon de la Toy:Box en compagnie de Mark Plati, le co-producteur original de l’album Toy.

Toy:Box : le coffret de 6 disques vinyle
20 ans après son enregistrement, l’album Toy de David Bowie est disponible en édition limitée chez Son-Vidéo.com. Retrouvez 6 disques vinyle de chansons essentiellement créées entre 1965 et 1971.

Toy Story

Le 23 août 1999, David Bowie participe à l’enregistrement de l’émission Storytellers, diffusée sur la chaîne musicale VH-1. Le programme, auquel ont déjà participé Sting, Elton John et Elvis Costello, se compose de performances live assorties de commentaires et d’anecdotes propres à leur création. Au cours de cette masterclass aussi intimiste qu’enjouée, David Bowie décide d’inclure une rareté vintage au milieu des incontournables Life On Mars? et China Girl. Can’t Help Thinking About Me est un titre obscur de son répertoire gravé en 1965 en compagnie des éphémères Lower Third.

Mark Plati, alors co-producteur de l’album Earthling etbassiste du groupe de scène de David Bowie, se souvient : « Dans cette émission, David voulait raconter ses souvenirs des années 1960 et souhaitait les accompagner par une chanson écrite à l’époque. Il a pris tellement de plaisir à reprendre Can’t Help Thinking About Me, et le groupe était si enthousiaste qu’il a décidé de la rejouer lors des concerts suivants ».

Ce flashback sixties, souvenir pop des débuts de carrière en dents de scie du futur Thin White Duke, donne à Bowie l’impulsion qui aboutira à la création d’un nouveau concept-album : Toy, un recueil d’auto-reprises de ses « œuvres de jeunesse ».

« David disposait cette fois d’un groupe, contrairement aux années 1960 où ces chansons avaient été produites par différents producteurs avec des musiciens qui changeaient sans cesse, explique Mark Plati. Nous étions donc désormais réunis sous le même toit dans un seul studio, avec la même équipe, la même approche et la même énergie. Toutes les conditions étaient réunies. »

Photographie David Bowie
Le flashback 60’s lors de l’émission Storytellers aboutit à la création d’un nouveau concept-album : Toy, un recueil d’auto-reprises de ses « œuvres de jeunesse ».

Au cours de l’été 2000, David Bowie se rend au studio new-yorkais Sear Sound accompagné de Gail-Ann Dorsey (basse, chœurs), Sterling Campbell (batterie), des choristes Emm Gryner et Holly Palmer, du fidèle Mark Garson au piano, du guitariste Earl Slick et de deux nouvelles recrues : le guitariste Gerry Leonard et la multi-instrumentiste Lisa Germano.

Mark Plati, qui cumule les rôles de bassiste et de co-producteur de ce nouveau projet, témoigne : « À ce stade de ma carrière, les enregistrements auxquels j’avais participé avaient été souvent élaborés en multi-pistes, avec un empilage de parties instrumentales et de nombreux allers-retours avant de donner lieu à un titre abouti. Earthling avait été créé de cette manière, avec parfois des chansons composées en direct dans le studio. Pour Toy, la mission consistait à capturer le son d’un groupe qui avait déjà joué ces titres sur scène. C’était essentiellement un travail collectif dirigé par David. Pour ma part, j’avais rejoint le groupe lors de la tournée promotionnelle de …Hours. J’avais déjà collaboré en studio avec lui, mais lors de ces concerts, j’ai découvert une énergie différente, une intensité hors du commun que j’ai voulu reproduire dans cet album. Dans les années 1960-70, les disques étaient enregistrés dans le but de capturer l’essence live d’un groupe ou d’un artiste. On était plus dans la documentation que dans l’expérimentation, et Toy a été élaboré en reproduisant cette méthode ».

L’album perdu

Lors d’une série de sessions au cours de l’été puis de l’automne 2000, David Bowie et son groupe redonnent vie à une dizaine de chansons confidentielles issues de son prestigieux catalogue. Parmi ces titres d’avant la gloire figurent les rock uptempo sous influence R&B de You’ve Got a Habit of Leaving et Let Me Sleep Besides You, Silly Boy Blue, instantané de la brève période bouddhiste d’un Bowie en quête de spiritualité, et Shadowman, une somptueuse ballade piano conçue lors des séances de Ziggy Stardust. À cette sélection vient s’ajouter une nouvelle composition qui donnera son titre à l’album : Toy (Your Turn To Drive), basée sur une improvisation spontanée lors de l’enregistrement de I Dig Everything.

Le successeur de Hours… est achevé et mixé en octobre aux studios Looking Glass et Alice’s Restaurant. Une date de sortie est fixée en mars 2001 par EMI / Virgin Records, mais après plusieurs reports successifs, la sortie de Toy sera finalement annulée par le label, en proie à de graves difficultés financières et doutant de la pertinence commerciale du projet.

Dans le camp Bowie, la déception est de mise, mais l’expérience Toy servira néanmoins de déclencheur à la production de Heathen, qui paraîtra en 2002 sur le label Columbia. Contre toute attente, « l’album perdu » de David Bowie ressurgira dans l’actualité neuf ans plus tard : en mars 2011, une version de travail de Toy fait l’objet d’une fuite internet.

Une première date de sortie pour l’album Toy est prévue en 2001 avant son annulation définitive. Neuf années plus tard, une version de travail de Toy fait l’objet d’une fuite internet.

« Bien sûr, ça ne m’a pas fait plaisir, et ça m’a même beaucoup plus contrarié que l’annulation de l’album dix ans plus tôt », commente Mark Plati. « Toy ne devait pas voir le jour de cette manière. Je sais que David était furieux, et certaines personnes ont même suggéré que les fichiers provenaient de mon ordinateur portable. On racontait que je l’avais oublié dans le métro, et qu’un fan de David Bowie qui passait par là avait juste soutiré le dossier Toy en laissant toutes mes informations personnelles intactes (rires) ! Du grand n’importe quoi… Je suis très heureux que tout le monde puisse découvrir enfin Toy, et c’est aussi le moyen de revisiter une période très riche de la carrière de David Bowie ».

Variations

Publié le 28 novembre dernier au sein du coffret Brilliant Adventure, Toy est aujourd’hui décliné dans un triple packaging CD (ou 6 vinyles 25 cm). Toy (Toy:Box) aligne les 12 titres de l’album original, auquel s’ajoutent un deuxième volume de mixes alternatifs des mêmes titres, des relectures associées de Liza Jane, une reprise d’un titre R&B de Leslie Conn datant de 1964, d’In The Heat of the Morning, le premier single de Bowie sorti en 1967, et des versions ré-arrangées de Silly Boy Blue (Tibet Version) et The London Boys orchestrées par Tony Visconti.

Le troisième CD intitulé Unplugged & Somewhat Slightly Electric, conclut l’ensemble en proposant une élégante variation acoustique de l’album Toy.

Coffret TOY:BOX de David Bowie
Les 12 titres de l’album original sont présents dans le coffret Toy:Box. D’autres titres sont ajoutés tels que des mixes alternatifs, des relectures associées de Liza Jane, une reprise d’un titre R&B de Leslie Conn (1964), le premier single de Bowie ou encore des versions ré-arrangées de Silly Boy Blue (Tibet Version) et The London Boys (Tony Visconti).

Mark Plati : « Lors du mixage d’un album, vous avez l’habitude de décortiquer chaque partie et d’analyser leur rôle et leur manière d’interagir entre elles. Pendant l’enregistrement de Toy, Earl Slick a eu l’idée de nous faire jouer tous les deux des parties de guitare acoustique sur ces titres, afin de leur ajouter une texture supplémentaire — un vieux truc que faisaient les Rolling Stones. Nous avons donc joué ces parties, puis nous avons posé la voix de David sur quelques titres. Nous étions à peu près au milieu de l’enregistrement de l’album, et quand il a entendu ces mixes, David a été agréablement surpris et nous a demandé de conserver une trace de ces versions alternatives. Tous les titres de Toy n’ont pas subi ce traitement à l’époque, et nous avons dû ajouter de nouvelles parties acoustiques cette année pour compléter cette version alternative de l’album… Avec David, les choses se passaient souvent de cette manière : on tentait certaines expériences, et quand quelque chose lui plaisait, nous nous y précipitions à toute allure. David avait le flair pour repérer des pépites, puis de s’enfuir avec (rires) ! ».

Si la pertinence musicale de David Bowie demeure une évidence, son talent de concepteur de pochettes d’albums reste discutable : l’illustration grisâtre de Toy:Box, à mi-chemin entre le musée des horreurs et un délire contre-nature du David Lynch d’Eraserhead, greffe le visage du Bowie des années 1990 sur un corps d’enfant. Ce Scary Monster dissimule néanmoins le meilleur profil pop d’un artiste protéiforme qui aurait fêté son 75ème anniversaire ce 7 janvier.

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